1812. Le beau-frère de Noël Hivert, soldat de Napoléon.
En 1812, le frère de Marie RINEAU, Jean a 20 ans.

C’est le moment pour lui comme trente de ses camarades du même âge de se rendre à la convocation obligatoire des conscrits au Loroux-Bottereau.
Les premiers jours de janvier Jean reconnait son nom sur l’affichage public de St Julien. Puis à la fin de la grand-messe il entend le maire, Pierre Marie PHELIPPES, égrener le nom de tous les jeunes de sa classe d’âge leur demandant de se présenter le 31 janvier 1812 au chef lieu de canton.
Le jour dit, il se fait accompagner à pied par Pierre PETARD, son voisin du Chêne et ami du même âge que lui. A la mairie du Loroux ils se retrouvent avec 140 jeunes de l’ensemble du canton. Peu manquent à l’appel… car la liste des conscrits convoqués était rendue publique, affichée devant la mairie. De plus la population veillait à signaler les oubliés ce qui pouvait donner une chance de plus à leur fils de ne pas partir.
En effet à l’orée 1812, l’empire napoléonien a besoin de forces nouvelles pour asseoir son hégémonie européenne et organiser la campagne de Russie. Napoléon demande une levée de 120000 hommes pour l’année 1812 et met la pression sur les préfets pour augmenter le quota des conscrits.
Le jour dit, dans la salle du conseil, ils sont accueillis par un comité cantonal composé de civils (maires des communes, un représentant du Préfet) et de militaires, un gendarme et un officier de recrutement). Dans cette assemblée Jean ne connait que Pierre-Marie PHELIPPES [1] , le maire de Saint Julien.

On procède d’abord à la vérification des listes affichées et des présents. Chacun des convoqués est amené à présenter son nom, son prénom, son métier, son domicile, ses parents, sa situation familiale. On répare les oublis ou les erreurs de dates avec l’aide des registres de naissance amenés par les maires[2].
Toutes ces informations sont consignées dans le tableau général de conscription que tient consciencieusement, le lieutenant de recrutement GONNET.

Ensuite DE CURSAY, auditeur, sous-préfet du 4ème arrondissement de Loire-inférieure procède à un tirage au sort et chacun hérite d’un numéro de rang. Jean est tiré au sort en 73ème position. Pierre Pétard, son ami et voisin, hérite du numéro 10, synonyme de recrutement à coup-sûr, si on ne peut justifier d’une situation familiale délicate ou d’une infirmité réelle.
Jean, comme Pierre sont finalement jugés aptes à servir.

La plupart des jeunes sont laboureurs et travaillent avec leurs parents voire suppléent au père déjà mort. Quelques uns sont artisans, tonneliers principalement. Saint Julien compte également un grand nombre de mariniers de Loire. Jean d’ailleurs est étonné de l’absence de deux d’entre-deux qu’il connait bien François LUZET et Jean BOURGET de la vallée. Veulent-ils échapper à la conscription ou sont-ils retenus sur leur bateau de pêche par leur maitre marinier ?
Pour éviter ce service militaire d’une durée de cinq ans, certains se sont déjà mariés, d’autres évoquent une situation familiale difficile, « fils ainé de veuve, ainé d’orphelin, frère de conscrit déjà engagé »…
Beaucoup veulent échapper à ce long service militaire. Certains évoquent des pépins physiques, des maladies chroniques devant cette commission de recrutement. Si quelques uns sont réformés d’office comme Pierre LUZET pour surdité avérée, beaucoup des conscrits sont renvoyés à la commission du 15 février 1812 en présence du docteur DARBEFEUILLE, chargé de les ausculter et de donner un avis.
La présence du préfet de Loire-inférieure VAN STYRUM[3] montre que ce recrutement est hautement stratégique pour les autorités départementales[4]. Il est vrai que Napoléon, Empereur des Français est alors le maître de l’Europe en ce début d’année 1812, mais sa politique rencontre de nombreuses oppositions, tant en Espagne, qu’ en Allemagne, Autriche et Russie, sans compter l’hostilité constante du Royaume-Uni…

Lors de cette commission peu de passe-droits sont admis. Dans un premier temps, un des amis de Jean, Pierre PEIGNE, de petite taille, 1.542 m[5], pensait être réformé mais il a été jugé bon pour le service et incorporé au 8ème bataillon d’artillerie de Strasbourg. Par contre la commission validera l’inaptitude de René LUZET pour défaut de taille, 1.41 m.
René Charles PRAUD s’était plaint d’insuffisance rénale, lors de la première réunion. La commission ne l’a pas entendu et elle a jugé que « son infirmité était insuffisante, capable de servir, incorporé à la 38ème cohorte de la Rochelle». Même chose pour Thomas Gallon dont le sourire présentait une incisive en moins. Pourtant chaque soldat devait avoir une bonne dentition, car on déchirait les cartouches de poudre avec les dents.

Pierre Daniel HYVERT, le frère cadet de Noël, né lui aussi en 1792 est également présent à la commission du 15 février. Il évoque une ulcération aux jambes. Il est jugé apte à servir, mais « mis au dépôt[6] » compte tenu de son rang, le 108ème.

François LUZET est lui par contre à nouveau absent à cette convocation et risque bien-sûr d’être qualifié de déserteur[7]. Peu de temps après, encadré des gendarmes, il se rend finalement à une convocation complémentaire. Pour échapper à la conscription il a présenté un durillon au talon. Le motif étant jugé insuffisant, il sera affecté comme fusilier au régiment de disciplinaire de Walcheren[8].
Certaines fois les numéros donnent lieu à des tractations, avec des accords monétaires à la clé. Ainsi Jean PETITEAU du Loroux- Bottereau, numéro de tirage 46, jugé apte également au service a conclu un accord Jean HUTEAU de La Remaudière qui a tiré le numéro 129 lui permettant d’échapper au service[9].
Puis au mois de mars de cette même année, Jean reçoit son affectation. Il doit se rendre à Nantes pour être incorporé à la 38ème cohorte de la garde nationale à La Rochelle.

Avant de partir, Jean est satisfait car le conseil de famille a pu se réunir le 5 avril 1812 autour de son tuteur et oncle et Julien RINEAU afin de se prononcer positivement sur son émancipation comme le précise l’acte signé par Joseph JUGUET, juge de paix du canton du Loroux- Bottereau :
“ Se sont assemblés en conseil de famille sous notre présidence les parents ci-après… à l’effet de délibérer l’émancipation de jean Rineau agé de 19 ans passés, à savoir :
Au paternel : Julien Rineau, cultivateur, oncle tuteur, demeurant au chêne, Pierre Gilardin sabotier oncle demeurant au bourg de Saint-Julien, Jean Gilardin sabotier oncle demeurant au dit bourg de Saint-Julien, Jacques Bonneau cultivateur, cousin germain demeurant au chêne.
Au maternel : René Hyvert, métayer cousin germain à cause de Marie Pétard sa femme et subrogé tuteur demeurant au Plessis- Glain en la commune de Saint-Julien de Concelles, Noël Hyvert, métayer, beau frère à, cause de Marie Rineau sa femme demeurant à la Sangle commune de La Chapelle-Basse-Mer.
Nous juge de paix et les dits parents formant le conseil de famille du mineur reconnaissons que le dit mineur Jean Rineau a les qualités et connaissances suffisantes pour bien se conduire sagement, administrer ses biens et jouir de ses revenus…”
Est-ce un mauvais présage ? Juste avant de partir Jean apprend une triste nouvelle de la bouche de Julien Pétard : Jean, son neveu, fils de Jean et de Jeanne PEIGNE, vient de décéder comme fusilier au 72e régiment d’infanterie de ligne à l’hôpital militaire de Bruxelles. Il avait juste 20 ans lui aussi.
Le jour dit, Jean rejoint son régiment et comme l’ensemble des nouveaux fusiliers de sa 6e compagnie. On lui donne un fusil et un équipement complet.

Arrivé sur place à La Rochelle Jean est affecté, avec ses camarades, à la garde des frontières de cette place forte stratégique maritime de l’empire.
Jean, qui ne connait comme ville que Nantes, est étonné de l’état de pauvreté de la ville. Comme d’autres soldats il se plaint de sous-alimentation et de pénuries d’eau.
A la mi mai Jean se plaint de forte fièvre et il est transporté à l’hôpital Auffredy de La Rochelle le 25 mai 1812. Il y est décède de « fièvre nerveuse » le 28 mai.

Marie RINEAU, sa sœur et femme de Noël, est effondrée de cette disparition aussi soudaine seulement un mois après son départ de son frère. Elle reste ainsi la seule survivante de la famille RINEAU.
Au même moment Noël apprend la mort de son cousin de la Chauvelière à St julien, Laurent, le fils de Jacques HYVERT, témoin de leur mariage, frère de Joseph et marié à Marie DURASSIER. Fusilier au 11e régiment d’infanterie de ligne. Il est mort lui aussi de fièvre le 31 mai 1812 à l’hôpital de Girone en Espagne.

Comme une vingtaine de concellois l’ami de Jean, François LUZET, fusilier au terrible régiment de Walcheren, n’échappera pas lui aussi à la mort en Allemagne, dans la Roër, en cette année 1812.