Le Lundi 2 mars 2020
De St Julien de Concelles à Châlons-sur-Marne
Dans les pas d’Auguste, du 9 octobre 1913 au 31 août 1914 à Cholet puis Saumur

Auguste Hivert,notre grand-oncle,est né à St Julien de Concelles le 4 août 1892. Il est le fils ainé d’Auguste et de Marie Pétard, famille de cultivateurs installée au Portégaud. Il a deux frères, Pierre né en 1894 et Clément en 1899.
A 20 ans, il est donc de la classe 12 et incorpore pour son service militaire d’une durée de 2 ans à l’époque, le 77ème régiment d’infanterie de Cholet le 9 octobre 1913. Il a alors 21 ans.
Au conseil de révision du canton du Loroux-Bottereau le 30 avril 1913, ils étaient 20 conscrits de la classe 12 de St Julien : 15 pour le service armé, 3 pour le service auxiliaire, 1 ajourné et 1 seul réformé (page 59). Parmi les 19 qui seront incorporés, on dénombre 9 cultivateurs, mais aussi 5 mariniers, 3 rouliers transporteurs, un maçon et un coiffeur. Ils seront répartis en parts égales entre l’infanterie, l’artillerie et le génie, notamment les mariniers pour cette troisième catégorie.

A la caserne de Cholet il fait la découverte de la vie militaire, de son ambiance, de ses apprentissages, du maniement et de l’entretien des armes et effets.
Ce n’est pas l’enthousiasme !

Il y apprend aussi le morse.

Ses convictions transparaissent et il fréquente souvent le cercle catholique de la caserne. Il reste en contact avec l’abbé Saunier de St Julien, son confident qui lui a fait découvrir le catholicisme social porté par le journal « Le Sillon » auquel il est vraisemblablement abonné.
L’abbé Saunier
Ce journal, créé par Marc Sangnier, est l’organe d’un mouvement d’éducation populaire d’inspiration chrétienne qui débouchera plus tard sur les mouvements d’action catholique de jeunes – JOC, JAC, JIC – puis d’adultes. Il suit de près les élections législatives des 26 avril et 10 mai 1914 et regrette la défaite de Marc Sangnier.


Les annales de la jeunesse catholique du Loroux Bottereau en 1906
Les marches ne lui conviennent guère puisqu’il doit être hospitalisé pour « rhumatisme articulaire dans les pieds » et sera arrêté pendant 2 mois. Il est de retour à la caserne encore fragile le 26 juillet 1914.


Le petit courrier du 14 août 1914
Convalescent, il se déclare non mobilisable, mais s’en remet à la « volonté de Dieu », tout en exprimant son idéal pacifiste.


Le 15 août, il est affecté à Saumur à la garde de civils émigrés étrangers (allemands et autrichiens) faits prisonniers. Cela lui laisse du temps pour réfléchir sur la situation internationale et ce qu’il en pense. Mais le lundi 31 août il doit partir pour le front. Trois semaines après, il décrira à Chalons sur Marne ses premiers « souvenirs et impressions de la guerre » sous la partie nommée « Carnet d’un combattant « suivie de « partie tragique » (pages 112 à 182). Mais nous y reviendrons…
Il ne sait pas encore que deux de ses conscrits, Jean-Marie Bagrin de la Peltancherie et Jean-Marie Simonneau de St Barthélémy ont déjà été faits prisonniers les 22 et 23 août respectivement à Rossignol et Bierne sur le front de Belgique. Certes ils échapperont aux tranchées, mais ils ne reviendront au pays qu’en janvier 1919 !
Lundi 2 mars 2020, plus de cent ans après, nous partons de St Julien à 9 heures pour notre périple d’une semaine dans les pas d’Auguste.

Dans les pas d’Auguste, du 1er septembre au 25 septembre 1914

Auguste part pour le front en train le 31 août. Il repasse par Cholet où il est désigné d’office pour former une compagnie de 250 hommes. Le voyage est long et pénible et sujet à de multiples arrêts. Le 2 septembre il est à Montargis. Il arrive enfin à Pont St Vincent (Meurthe et Moselle) le 3 septembre au matin après 41 heures de train où les soldats sont entassés et où il est pris de coliques… La situation est mauvaise, car les Allemands sont aux portes de Paris, ce qui n’était pas prévu et l’étonne comme tant d’autres. Il pressent que la guerre sera longue…

Auguste, deuxième à partir de la gauche au premier plan, et ses camarades de la 77ème RI au début de la guerre
La compagnie est dirigée vers Nancy puis retourne en sens inverse avec le 32ème régiment « qui se trouve là avec ses mitrailleuses, son drapeau et sa musique. Il paraît qu’on ne sait pas où est le 77ème et le 32ème a besoin de renforts ». Samedi 5 septembre, il descend enfin en gare de Troyes et rejoint le quartier de Barberey. Il fait une « chaleur accablante », écrit-il. Sur la route il remarque des colonnes de vieillards, de femmes et d’enfants qui fuient les combats emportant avec eux ce qu’ils ont pu emmener. Il en a le cœur serré.
Nous arrivons à Troyes après 5 heures de voiture ! Le voyage s’est passé sans encombres malgré la pluie tout au long du parcours. Nous découvrons la plaine de Champagne, ses cultures de céréales à perte de vue et ses champs d’éoliennes.

Dimanche 6, Auguste embarque à bord de gros camions à 3heures et demi du matin pour descendre à Villiers-Herbisse (Aube). La ligne de feu se rapproche, on entend une canonnade intense. Il pense à sa famille et à sa « pauvre maman ». Lundi 7, il rejoint la ligne de front à pied via Semoine, Gourganson puis Oeuvy et rejoint un bois de sapins sans doute au lieu-dit Connantré situé sur la route entre Fère- Champenoise et Sézanne.C’est là que commence ce qu’il appelle la partie tragique.

Lundi 2 mars à 15h nous suivons le même itinéraire qu’Auguste jusqu’à Connantré où nous avons de la peine à repérer précisément les lieux de bataille.


9 septembre 1914. C’est la bataille de La Marne qui est à quelques kilomètres. L’offensive est hésitante. Ordres et contre-ordres se multiplient. C’est une bataille d’artillerie. On creuse des tranchées mais il n’y a pas de place pour tous et il n’y a pas d’eau pour désaltérer les soldats car le capitaine refuse les corvées d’eau. Auguste a soif, tellement soif que « j’essaie à boire mon urine, mais je ne puis », écrit-il page 153.
La bataille est très meurtrière: nous le constatons en découvrant le cimetière militaire de Fère Champenoise; impressionnant !

Finalement l’artillerie française oblige les Allemands à reculer. L’infanterie les poursuit jusqu’à Gourganson puis Vassimont. Mais Auguste a très mal aux pieds et il n’y a toujours pas d’eau depuis 2 jours. Enfin le 12 septembre au soir, les soldats parviennent à Châlons où les habitants acclament « les pantalons rouges » et distribuent des vivres.
Auguste trouve refuge dans un foyer de la Croix rouge « où je trouve du pain et du vin à discrétion pour rien. On remplit même mon bidon, les infirmières nous gâtent vraiment » (p.162). Mais il ne peut plus marcher et doit monter dans un convoi d’artillerie qui le mène à St Hilaire le Grand. Nous sommes le 13 septembre. Accompagné de quelques autres éclopés, il parvient à rejoindre Châlons par autobus, mais comme il s’y fait tard, il trouve refuge dans un café et peut dormir dans un « bon lit ». Le lendemain il est dirigé vers un collège de Châlons transformé en hôpital, puis l’école des Arts et métiers. Il apprend que sa compagnie a été décimée.
L’école nationale supérieure des arts et métiers de Châlons aujourd’hui

Il attend près d’une semaine sa visite médicale et se voit alors accorder 6 jours de repos. Mal nourri, il peut enfin sortir en ville le 21 septembre pour acheter « du pain, du vin et des conserves à mon compte ». Il peut prendre le temps d’écrire à sa famille (il pense aux vendanges et espère que le muscadet sera bon) et ses premières mémoires de guerre le 24 septembre. « Que sera pour moi l’avenir ? Je crois bien que je me battrai encore, car la paix semble loin depuis le bel enthousiasme du début ! »
Il va mieux mais craint de devoir retourner sur la ligne de feu. A la caserne Forgeot, il a trouvé une bibliothèque où il peut satisfaire son appétit de lecture. Il assiste aussi à la messe à la cathédrale de Châlons (celle de Reims a été bombardée et brûlée quelques jours auparavant).

Il va mieux mais craint de devoir retourner sur la ligne de feu. A la caserne Forgeot, il a trouvé une bibliothèque où il peut satisfaire son appétit de lecture. Il assiste aussi à la messe à la cathédrale de Châlons (celle de Reims a été bombardée et brûlée quelques jours auparavant).

Le 25 septembre 1914, il conclut son premier carnet, débuté le Dimanche 19 octobre 1913, par ces mots :