FÉVRIER 40
Le 8 février 1940 au soir Clément quitte Malestroit pour Paris. Il rejoint sa caserne au Fort de Charenton à 12 km au sud. Il y intègre le Centre Hippomobile de la 102ème batterie du 21éme dépôt d’artillerie. Sans véritable affectation, il visite Paris et est satisfait de son hébergement.

Mais le 12, il est hospitalisé pour une « petite grippe » qui aura sans doute quelques complications que Clément minimise pour ne pas inquiéter sa famille. Il y restera quand même plus de 3 semaines. Il est donc dirigé vers l’hôpital de Bellevue 16 rue de Noé à Fontenay sous Bois à l’est de Paris. Au cours de son séjour, Clément échange de nombreuses lettres avec sa femme et son fils.
En fait, cet hôpital n’est pas vraiment un hôpital, il fait fonction en temps de guerre et a déjà tout un passé (Voir encadré plus loin).
Dans sa correspondance d’une quinzaine de lettres, il décrit notamment la vie de l’établissement et la journée d’un patient.

Il espère être au plus vite en convalescence pour bénéficier d’une permission et ainsi « finir la taille » de la vigne et « ramer les pois », puis « mettre la vigne sur fil de fer dans la Pièce Jouis ».
La production des petits pois est d’ailleurs une activité assez florissante dans la vallée maraichère à l’époque, notamment le petit pois de Chantenay qui alimente la conserverie Amieux de Nantes.
Il a peu de distractions hormis les discussions avec ses voisins de chambre et les visites que ceux-ci reçoivent et qu’il envie: « les dames, fidèles à leur mari, ne manquent pas un jour de leur rendre visite. On en voit pour tous les goûts peintes de toutes les couleurs. C’est une pluie d’oranges et de bonbons avec de gentils babillages », écrit-il.
Le 25 février, il reçoit aussi la visite de la Famille Gouy qui habite à Paris, rue de Grenelle. Marie Gouy, née Alleau est en effet une grande amie de Gabrielle. Mais la visite est de courte durée.
Clément suit de près l’évolution de son fils Auguste: sa scolarité « Mme Loubeyre a enfin retrouvé sa classe, j’espère que le travail n’en sera que meilleur », ses lectures mais aussi ses sorties: « Auguste se complaît dans de belles promenades, c’est la Saulzaie, c’est la Chapelle ». On y apprend aussi qu’Auguste prépare sa première communion.
Le 27 février, deux alertes aériennes viennent troubler l’hôpital. Ce qu’on appellera la « drôle de guerre » a commencé. Hitler poursuit méthodiquement ses préparatifs, menace la Suède, mais surtout la Finlande avec la complicité de la Russie (Pacte germano-soviétique). La ligne Maginot tient…
Début mars, Clément revient au fort de Charenton et attend de pouvoir retourner quelques jours au pays.
Histoire du 36, rue du Révérend Père Aubry (ex 16 rue de la Noë) à Fontenay sous Bois Du Pensionnat de jeunes filles à la Maison du citoyen et de la vie associative L'évolution de l'occupation de cet édifice qui fait office d'Hôpital pendant la guerre est assez représentative et emblématique de l'histoire du siècle pour qu'on s'y attarde. Construite à la fin du 17ème siècle, cette grande maison bourgeoise passe de propriétaire en propriétaire pendant 2 siècles. Puis, la propriété passe aux mains de la Société Civile Immobilière Sainte-Anne qui y établit une institution de jeunes filles, « Institution Belle-vue », en 1893.Elle s’étend sur 30 000 m². C’est une pension privée où quelques fontenaysiennes de bonnes familles reçoivent l’enseignement des religieuses. En 1900, le pensionnat compte 55 élèves encadrées par une institutrice et cinq adjointes. L’intendance est assurée par cinq domestiques, un cocher et des jardiniers. Dans les dépendances de la propriété, les religieuses de la congrégation de la retraite du Sacré-Cœur installent, en 1904, une école pour les enfants pauvres, dénommée Ecole des Saints-Anges. En 1911, Henri-Etienne Ruel (ancien directeur du Bazar de l’Hôtel de ville de Ville à Paris) achète cette partie du domaine et la transforme en école confessionnelle de la paroisse. Mais faute de moyens financiers suffisants, l’école des Saints-Anges cesse son activité. Durant la 1ère guerre mondiale, une partie du pensionnat est réquisitionnée pour servir d’hôpital militaire auxiliaire. Des infirmières bénévoles de la Croix Rouge de Fontenay y soignent les blessés du 12ème régiment de Vincennes et certains rapatriés du Front. Jusqu’en 1919, la propriété permet aux traumatisés de la guerre de poursuivre leur convalescence. Le 29 septembre 1923, l’évêque Victor Valentin Dreyer acquiert la propriété pour en faire un petit séminaire des missions franciscaines, ce qu'a bien noté Clément. Ce séminaire restera ouvert jusqu’en 1967. Plusieurs écoles catholiques de garçons semblent avoir été ouvertes à cette époque, parallèlement aux activités du séminaire dont l’existence va marquer la vie des Fontenaysiens. Pendant l’Occupation, le séminaire est l’un des pôles de résistance de Fontenay : aide aux aviateurs, faux papiers, cartes d’alimentation … En 1942, le séminaire accueille clandestinement une assemblée des Scouts de France de la région parisienne, alors que ce mouvement est totalement interdit par les nazis et par le gouvernement de Vichy. Les franciscains vont cacher un prêtre anglais, un jeune d’origine juive, un jeune Alsacien, ancien élève de Fontenay, qui de retour dans sa province, est mobilisé de force dans l’armée allemande. Lors des combats de la libération de Fontenay, le 25 août 1944, une lutte sans merci se déroule autour de la Route 42. Les franciscains envoient le père Lucien Aubry et deux séminaristes, avec un brancard, pour les blessés. Un soldat allemand prendra Lucien Aubry pour cible qui meurt dans la soirée. Il avait 38 ans. En 1967, les Franciscains vendent une partie de la propriété (avec le bâtiment actuel) à la Mission de France. Cette organisation catholique créée dans les années 1950 regroupe des prêtres ouvriers. Les nombreuses actions à caractère social qui sont entreprises sur la ville, et au-delà, souvent en collaboration avec la Municipalité, emporte l’adhésion et le respect des Fontenaysiens, par delà les clivages religieux, politiques ou philosophiques. En septembre 1973, le gouvernement chilien est renversé par une junte militaire dirigée par le général Pinochet. Devant ces événements tragiques, les prêtres de la Mission de France décident d’accueillir les réfugiés chiliens fuyant par milliers la sanglante répression dans leur pays. A partir du mois de décembre 1973, des familles sont accueillies dans ce grand bâtiment de Fontenay qui devient le « foyer ». De 1973 à 1987, les prêtres du foyer hébergent 750 réfugiés soit plus de 220 familles chiliennes mais aussi uruguayennes et argentines. Cette solidarité n’est visiblement pas partagée par tout le monde. Dans la nuit du 3 au 4 juin 1977, un attentat est perpétré par un groupe d’extrême-droite, le "Groupe Herman Goering", nom du bras droit de Hitler. Avec l’incendie partiel du rez-de-chaussée, les dégâts sont importants. En janvier 1997, la Municipalité de Fontenay-sous-Bois décide de racheter la propriété de la rue du Révérend-Père-Aubry à la Mission de France. Véritable témoin-mémoire de l’histoire fontenaysienne, l’ancien château est alors transformé en Maison du Citoyen et de la Vie Associative. Depuis le 13 juin 1998 des centaines de fontenaysiens viennent participer, créer des activités, prendre la parole ou organiser des débats et des concerts.
Jean- François s’est rendu sur place en début d’année 2021.


