3ème épisode, Charenton

Du 14 mars au 12 juin 1940

Après son séjour hospitalier à Fontenay sous bois, Clément est de retour à la Caserne de Charenton le 14 mars. Pour quelques jours seulement puisque le 16 mais il obtient une permission agricole de 5 semaines.

Il est de retour à Charenton le 20 avril. Il tient une correspondance assidue avec le Portégaud. A vrai dire, la vie militaire lui laisse du loisir et le temps de visiter Paris. Il est surtout en attente d’une nouvelle permission car plusieurs événements se profilent, notamment la communion de son fils Auguste et celle de son filleul Antoine Pétard.

Ses lettres s’inquiètent des préparatifs de la cérémonie:  » le fameux complet d’Auguste est-il arrivé ?

Auguste en « communiant »

Ses préoccupations portent évidemment sur la marche de l’exploitation en son absence: les petits pois, la vigne à sulfater, les asperges, le pré du Bedois.  

A l’occasion d’une lettre du 1er mai dans laquelle il encourage à solliciter l’appui du maire pour une permission, on en apprend un peu plus sur l’exploitation familiale de la Guilbaudière: 10 hectares dont 2,5 ha de vignes, 1 ha de culture maraîchère (petits pois, haricots), 1 ha de blé et le reste en prés. C’est d’ailleurs à peu de choses près les dimensions que nous connaîtrons pendant notre enfance!

Le 11 mai, alors que la veille les Allemands ont envahi la Belgique, il obtient une permission de 3 jours pour la communion d’Auguste.

A son retour dans le train, il constate les effets de l’offensive allemande déclenchée le 10 mai et croise les premiers réfugiés qui fuient les zones de combat, La Hollande vient de capituler et la Belgique essaye de résister.

La récolte des petits pois s’avère excellente, mais il regrette de ne pouvoir participer au déjeuner qui réunit toute la famille à la Saulzaie pour la communion d’Antoine, son filleul.

Voilà que la famille Doublet qui s’était déjà  réfugiée à la Guilbaudière en provenance des Ardennes lors de la précédente guerre, est de retour ( cf Dans les pas d’Auguste – septième jour). Les Allemands ont franchi la ligne Maginot à Sedan.

Il veille à distance à l’éducation d’Auguste, mais curieusement n’oublie pas qu’on est en guerre et le ton employé n’est guère pacifiste !

Clément continue de distiller ses conseils à distance à Gabrielle pour l’entretien de la vigne: « Pour le sulfatage, faites comme vous pouvez. Il serait bon de soufrer par un beau temps le pinot de la Pièce Jouis et en mettre une bonne dose avec un sac en secouant, il y a du soufre dans la chambre aux patates ». Optimiste , il conseille d’acheter une faneuse de marque« Deering si possible, n’hésite pas, les temps ne sont pas à l’économie »! chez A. Bouyer de la Désirée ou Pallard.

De son Fort, Clément observe un double mouvement: la montée des matériels et munitions vers le front mais aussi la débâcle en provenance de Belgique. Le roi Léopold capitule le 28 mai. Les Parisiens s’inquiètent et commencent à quitter la capitale.

Mais le 4 juin, alors que Gabrielle avait laissé entendre sans l’inquiéter que sa mère Gabrielle, née Bretonnière, était fatiguée, Clément apprend son décès par un télégramme et lui répond: « je pleure avec toi celle dont la vieillesse a été si malheureuse », eu égard à son long veuvage. Il regrette de ne pas être auprès des siens. Il écrit à Auguste.

La bataille fait rage dans la Somme. Les Allemands bombardent les usines de Citroën et de Renault au nord de Paris et sont aux portes de Paris. Les Parisiens fuient en masse et Clément s’inquiète pour la famille Gouy. Le 12 juin, il écrit sa dernière lettre de Charenton et s’attend à un départ imminent.


Le 14 juin 2021 nous partons de la Guilbaudière, direction Meung-sur-Loire, pour rejoindre Clément sur le chemin de l’exode, 81 ans après.