6ème Episode, La Chassagne et la démobilisation

JUILLET 1940

Clément est à La Chassagne en Videix  et loge avec ses camarades dans la « grange du père Rougier ». Sa seule distraction est la rencontre avec les réfugiés qui ont fui leur pays et espèrent leur retour, et les paysans du coin, « plutôt pauvres, qui parlent un patois auquel nous ne comprenons rien. »

Le 9 juillet enfin à Videix, il reçoit une première lettre de Gabrielle et est soulagé.

Il demande à avoir des nouvelles de toute la famille et notamment d’Albert, Albert Placier, le frère de Germaine, la belle-soeur de Clément. Albert, qui est de la classe 25 a été mobilisé et envoyé sur le front.

NDLR Jean Pétard, son neveu, se souvient aujourd’hui que le « tonton de Batz » ainsi qu’il sera surnommé, se trouvait alors à Dunkerque. Il était à l’époque vicaire à St Père en Retz et deviendra  plus tard curé de Batz sur Mer, d’où l’appellation « tonton de Batz ».

Il a hâte de revenir chez lui quand il sait le travail qui attend: planter les betteraves pour l’hiver, faire la moisson, puis la rouche dans le marais… Pour tuer l’ennui, il s’embauche à faire les foins chez les paysans du coin dont il décrit l’existence.

Gabrielle semble déprimée. En cas de nécessité, Clément lui conseille de vendre les vaches et d’aller se réfugier au Port-Egaud ou à la Saulzaie ! Mais apparemment elle a trouvé des réfugiés parisiens qui lui donnent la main pour charruer les terres et faire des plantations. De son côté, Clément a hâte de rentrer et envisage même d’acheter un cheval sur place, mais les 280 km qui le séparent de la Guilbaudière l’effraient un peu.

Le 27 juillet il écrit sa dernière lettre en annonçant sa démobilisation et son retour dans 4 à 5 jours. Cette démobilisation n’interviendra finalement que le 11 août 1940.

Pour lui la guerre se termine. De l’ensemble des conscrits de la classe 19 de St Julien, ils auront été cinq à être réellement mobilisés lors de la « drôle de guerre » et de la « débâcle » qui a suivi: Clément, Joseph GRIMAUD, Joseph SAUTEJEAU, André SÉCHER et Pierre SIMONNEAU.


Jeudi 17 juin  2021

Après une bonne nuit constellée d’orages, nous quittons Chassenon pour rejoindre Clément à Rochechouart. Nous visitons la cité et notamment son magnifique château qui a certainement hébergé le centre de démobilisation auquel Clément s’est rendu plus tard. 

Puis nous le suivons jusqu’à Videix, village désormais sans vie mais qui abritait certainement à l’époque au moins un café d’après ses écrits !

Enfin nous aboutissons au lieu-dit La Chassagne aujourd’hui fort bien aménagé pour la détente et les loisirs au bord du lac près de la source de la Charente.

Grâce à Gilles et Maryvonne DUQUEROIX, habitants du village, nous localisons La Grange du père Rougier où Clément était hébergé avec ses camarades.

Gilles se souvient assez précisément des histoires que lui a raconté son grand-père, contemporain du père Rougier, et  selon nos recherches prénommé Jules, né en 1878

« Mon grand-père me disait qu’ils étaient 400 soldats à la Chassagne et dans les environs  avec tous leurs chevaux et leur armement hippomobile. Moyennant quelques services rendus aux paysans du coin, mon grand-père Duqueroix leur donnait de la soupe. 

Les chevaux étaient attachés aux arbres. Ils se frottaient tellement à l’écorce que certains arbres ont dépéri. Mais ils étaient aussi mis à disposition des paysans pour les travaux des champs. 

L’arrivée soudaine de ce régiment fut une chance pour écouler viande, produits de basse-cour, légumes frais, lait et vin qui amélioraient ainsi l’ordinaire de la vie des soldats. 

Le père Rougier était plutôt un gros propriétaire terrien. Il avait sa maison et sa ferme à La Chassagne, mais aussi je crois une ferme en Dordogne à Nontron et une minoterie à Gençay.

Après la guerre j’ai connu sa femme la grand-mère Rougier. Je me souviens qu’elle avait 2CV jaune avec un coffre “malle Raoul”. Des souvenirs de gosse quoi ! »

Merci à Maryvonne et Gilles pour leur accueil

Kévin SARDIN nous reçoit très gentiment. Jeune adjoint au maire, c’est lui qui est maintenant propriétaire de la grange. Il est sensible à notre démarche car ses propres grands-parents, l’une venue de Pologne, l’autre d’Espagne ont connu les horreurs de la guerre.

La fameuse grange du père Rougier et sa maison.

Voilà c’est la fin de notre périple dans les pas de Clément !