Clément HIVERT, marguillier avec Emmanuel THIBAUDEAU

1946.

A la fin du mois de décembre 1946, Emmanuel THIBAUDEAU et Clément HIVERT s’apprêtent à mettre un terme à leurs mandats annuels de marguilliers à Saint Julien. La dernière grande mission  de ces représentants  de la paroisse, c’est de monter la crèche de l’église et d’installer les santons, sauf « l’enfant Jésus » qui ne viendra qu’au cours de la messe de minuit, que personne bien-sûr ne saurait manquer.

Ça n’a pas été une mince affaire que de chercher et de trouver leurs successeurs pour la nouvelle année 1947. Enfin le curé TISSEAU, affaibli et malade a validé le choix des hommes qu’ils ont trouvés pour poursuivre leur mandat : Joseph BOUYER du village de la Roche et Armand PROU du Bois-Malinge.

Ordinairement les marguilliers étaient  recrutés parmi les hommes qui ont 44 ans dans l’année en cours, mais la guerre a bousculé un peu cette tradition. Clément avait 45 ans et Emmanuel  46 ans quand Pierre BATARD de La Rochelle et Jean Marie TETEDOIE du Bas-Coteau du chêne leur ont demandé à la fin de l’année 1945 de prendre la suite de leur service …

Emmanuel THIBAUDEAU

« Mon papa Emmanuel était originaire de Rocheservière. Sans  doute avait-il rencontre Maman, Marie Grimaud, lors d’un mariage » nous raconte Madeleine THIBAUDEAU-BÉNUREAU, la fille aînée d’Emmanuel aujourd’hui âgée de 95 ans.

« Toujours est-il qu’il prenait régulièrement le vélo pour la rencontrer à Saint-Julien avant leur mariage en 1926. D’abord nous avons habité à Embreil dans la maison des mes grands-parents maternels puis mes parents ont pris une petite ferme en fermage dans le village voisin de la Bourdonnerie. Je suis née en 1928 et suis l’aînée avant 3 garçons : Emmanuel, Jean et Claude ».

« Papa était un agriculteur très apprécié pour ses dons de vétérinaire. Il était souvent appelé pour faire des vêlages dans les fermes aux  alentours, il était toujours prêt à rendre service  » poursuit Madeleine, « aussi quand papa a été sollicité pour être marguillier il n’a pas hésité à répondre positivement d’autant que c’était pour être en duo avec Clément Hivert, un homme qu’il appréciait particulièrement !».   

Outre Madeleine, sur ce rôle de marguillier à Saint Julien, nous nous sommes appuyés sur le témoignage de deux autres femmes concelloises, Mado PRAUD née en 1933 et Adrienne ARROUET-MÉNARD aujourd‘hui âgée de 96 ans.

 « Les marguillers étaient présents à chaque office car ils étaient chargés de faire la quête. Leur  service allait du 1er janvier au le 31 décembre, souligne Madeleine.

« Je me souviens que tous les marguilliers avaient une tabatière pour priser. Durant la quête, on se passait la tabatière… Ça toussait un peu ensuite dans l’église… ajoute Adrienne.

« Quand il y avait les missions, les marguilliers incitaient les gens à apporter à la cure quelques denrées, une livre de beurre, de la viande, un poulet pour nourrir les missionnaires car ils restaient bien deux semaines » précise Mado.

Les fêtes religieuses se succèdent au fil des mois en cette année 1946. Nous évoquerons le rôle des marguilliers à travers trois temps forts de l’année : les rogations, la fête Dieu et la fête de saint Barthélémy.

Les Rogations

Les 27, 28 et 29 mai 1946 Emmanuel et Clément, nos deux marguilliers, sont de service trois jours de suite. Ces trois journées qui précèdent le jeudi de l’ascension, ce sont les Rogations. Des processions à travers champs sont organisées pour demander à Dieu de protéger le bétail et les cultures des calamités… et de donner du soleil et de belles moissons.

Après la messe du matin le curé TISSEAU, accompagné des deux vicaires, les abbés LIBEAU et PLOQUIN ainsi que des marguilliers, suivis de quelques fidèles,  entament par les sentiers de traverse une marche vers quelques villages. « Au fil des jours les circuits étaient organisés tour à tour en direction de Boire courant, Saint Barthélémy et Embreil »  se souvient Adrienne ARROUET-MENARD.   

Partant du bourg Clément et Emmanuel portent tour à tour la croix et la bannière aidés de deux anciens marguilliers. « Dans mes souvenirs il n’y avait pas grand monde pour suivre cette petite procession »  se souvient Madeleine THIBAUDEAU-BENUREAU, la fille d’Emmanuel « juste quelques bigots du bourg suivis de quelques gamins à l’approche des villages».

La procession s’avançait au rythme des litanies et cantiques, le curé TISSEAU s’arrêtait parfois pour bénir les cultures. Le midi un repas était prévu pour les prêtres et les marguilliers. « En 1946, la procession était passé par notre village de la Bourdonnerie. A cette occasion Melle Binet du château voisin de la Jousselinière invitaient les prêtres et les marguilliers à manger » se souvient Madeleine qui ajoute : « On raconte même que le curé TISSEAU faisait chez elle une petite « marienne » avant de reprendre la route pour le bourg ».

Marque page d’un missel religieux

La Fête-Dieu

60 jours après Pâques, le dimanche 20 juin 1946 était célébrée la Fête-Dieu. Une semaine avant le jour tant attendu, le bourg de Saint Julien résonnait des coups de marteau,  l’activité battait son plein pour installer lesreposoirs, ces autels temporaires. « Il y en avait 3 pour la Fête Dieu »  affirme Mado PRAUD,  âgée de 13 ans en 1946 « Sur la route du Loroux, puis en bas de l’actuelle rue du Stade ou bas du marais, et enfin à la Patte d’oie à l’embranchement de la rue de la Loire et la rue de Vendée près du garage Allard ».

Un reposoir du bourg de Saint Julien de Concelles dans les années 1930 – Photo Gustave Pétard

C’était toute une organisation qui rassemblait chaque quartier, hommes, femmes, enfants. Coordonnés par Emmanuel et Clément les deux marguilliers, « les hommes installaient le reposoir, construisaient l’escalier pour accéder à  l’autel et son petit oratoire puis plaçaient les mâts avec les oriflammes dressés le long de la rue » affirme Madeleine THIBAUDEAU. « Enfant, on allait la veille dans les villages, les jardins, demander des fleurs et aussi le matin du jour pendant que les femmes faisaient les bouquets pour orner le reposoir », raconteMado PRAUD. 

Les rues étaient recouvertes de dessins réalisés avec des immenses pochoirs tout au long du parcours de la procession « Tous ensemble on décorait la rue, au début avec la rouche des marais et des fleurs, puis plus tard est venue l’époque des motifs de sciure colorée », précise  Mado.

Les cloches de St Julien sonnent à toutes volées quand la procession entame sa lente marche en partant de l’église. La croix et la bannière en tête, précédées de fillettes jetant des pétales de roses sur le sol, suivent le Curé TISSEAU  avec les vicaires entourés par tous les choristes. Le curé a revêtu sa grande et lourde cape dorée et richement brodée et tient précieusement l’ostensoir abrité sous un dais. Ce dais fait d’un toit en tissu précieux est porté par les marguillers de l’année aidés d’anciens marguillers volontaires.

Un long cortège suit ainsi le cheminement proposé. Il est constitué de la fanfare, des religieuses, des enfants de Marie, des élèves de l’école privée, des communiantes et des communiants, des gymnastes de « l’hirondelle ». De nombreux paroissiens accompagnent l’officiant en chantant des cantiques.

Défilé de Fête-Dieu à Saint Julien de Concelles à la fin des années 1920 – Photo Gustave Pétard

Tout au long du parcours, une foule dense et recueillie s’incline au passage du prêtre. Arrivé devant le reposoir, l’ensemble du clergé monte les marches, les choristes se placent de part et d’autre de cet escalier. Le curé prononce alors une courte prière, bénit la foule agenouillée puis reprend sa procession jusqu’au prochain reposoir.

« Après la procession, on défaisait, on rangeait… et on prenait un verre tous ensemble. C’était très amical, comme une fête de quartier » ajoute Mado PRAUD

Les enfants de Marie, les choristes devant la cure de Saint-Julien de lors de la Fête-Dieu, années 40 – Photo Gustave Pétard

La Saint Barthélémy

La Saint-Barthélemy est une fête très importante à Saint-Julien. Elle se situe le 24 août et se déroulait tous les ans le dernier dimanche d’août. La chapelle de Saint-Barthélemy était la première église sur Saint-Julien située dans la commune dans le village du même nom.

« Cet été 1946 Clément et papa s’étaient rencontrés à plusieurs reprises durant l’été pour préparer cette grande procession du bourg jusqu’à la chapelle » se  souvient Madeleine

Procession à partir du bourg de  Saint-Julien dans les années 30 – Photo Gustave Pétard

Madeleine ajoute : « Ce n’était pas une petite affaire car il fallait du monde pour porter sa statue pendant plusieurs kilomètres, monter là aussi le reposoir face à la chapelle pour la messe en plein air».

Fête religieuse à la chapelle de Saint Barthélémy dans les années 30 – Photo Gustave Pétard

« Cette cérémonie était très suivie »  ajoute Adrienne, il y avait même un défilé jusqu’à la fontaine de St Barthélémy qui avait le don de soigner les maladies de peau, “le feu” ou “la croûte du lait” chez les bébés ».

« Mais pour les enfants la fête qui reste gravée en mémoire c’est la fête publique » dit Mado « avec ses stands de fête foraine qui jouxtait l’église. Il y avait également de nombreux vendeurs d’outils de vaisselle et de tissu dans les rues adjacentes ».

Vue sur les roulottes et le manège de la fête foraine dans les années 30 – Photo Gustave Pétard

Mariages et enterrements

Les marguilliers étaient aussi de service lors des sépultures et souvent invités aux mariages de l’année.

« Pour mon mariage avec Pierre Ménard le 6 mai 1946, Clément était là à plusieurs titres, en tant qu’ami de la famille, voisin et marguiller » affirme Adrienne « je me suis mariée jeune, à 19 ans, maman venait de décéder et je ne voulais pas rester avec mon père ! »

Mariage de Pierre Ménard et Adrienne Arrouet à Saint Julien le 6 mai 1946

Adrienne ajoute : « De même, quelques mois plus tard,  avec Gabrielle et Clément et leur fils Auguste, nous avons participé aux noces d’Alexandre Pétard, un voisin de la Guilbaudière et cousin de Clément. C’était un mariage double car les deux filles BAGRIN épousaient respectivement ce  9 juillet 1946, Jeannette,  Alexandre PÉTARD et Marie sa sœur, Émilien CLENET.

Double mariage d’Emilien Clénet et de Marie Bagrin – Alexandre Pétard et Jeanne Bagrin à Saint Julien le 9 juillet 1946

Emmanuel et Clément

« Clément était très ami avec papa. On recevait souvent Gabrielle et Clément chez nous à la Bourdonnerie et on allait aussi leur rendre visite à la Guilbaudière. Mais dans les derniers temps Gabrielle était très fatiguée et n’a pas pu venir à mon mariage en juin 1948 ».

Mariage d’Alexandre Bénureau et de Madeleine Thibaudeau à Saint-Julien le 2 juin 1948.

La tradition voulait que les marguilliers se retrouvent plusieurs fois par an au sein de l’amicale des anciens marguillers présidé dans les années 40-50 par Alexandre CORNET et autour du curé PETIT qui a pris la suite du curé TISSEAU décédé le 1er février 1947.

L’avenir de l’Ouest du 4 février 1947 et La résistance de l’Ouest du 25 janvier 1954 (Clément au 2ème rang à gauche)

Traditionnellement chaque année une réunion des anciens marguillers a lieu en début d’année pour accueillir les nouveaux marguillers comme ici en janvier 1954 pour saluer la prise de fonction de Louis JAMIN des 3 moulins et de Jean ROBERT de La Moutonnerie.

Laisser un commentaire