Jean-Marie PÉTARD et les cousins VINET

1947.

Dans les premiers jours de janvier, Jean-Marie PÉTARD reçoit une carte sous enveloppe de  son cousin issu de germain Georges VINET de Bellignat (Ain), les deux familles ayant maintenu des liens

Cher cousin,

J’ai été très touché de vos marques d’affection suite au départ de Félicité, ma maman qui était très fatiguée depuis la fin de la guerre. Je profite de cette carte pour vous souhaiter une bonne année 1947 à vous, Germaine et vos enfants.

Notre activité de travail à façon pour les grosses entreprises de peignes a repris, mais bien plus lentement qu’avant la guerre… mais enfin les commandes reviennent peu à peu ! Notre fille Raymonde a rencontré un certain Georges Julliand d’Oyonnax et le couple commence à parler mariage pour l’an prochain.

 En espérant bientôt avoir de vos nouvelles. De même vous transmettrez mon affection à votre sœur Gabrielle et son mari Clément. Je vous joins une des dernières photos de maman.

Ma famille s’unit à moi pour vous adresser toute notre amitié.

Georges

Félicité MARTINOT-VINET

Fin janvier 1947, Jean-Marie prend la plume et répond à son cousin Georges.

Cher Georges,

Merci pour votre carte. A notre tour, nous vous souhaitons une très bonne année 1947 à votre famille et à celle de votre frère. Ici la vie s’écoule doucement et nos enfants vont bien, Jean arrive même à l’âge de maturité… mais si tout n’est plus comme avant depuis la disparition de notre aîné, Armand.

Je suis par ailleurs inquiet également pour la santé de ma sœur Gabrielle qui fatigue de plus en plus et n’aide presque plus Clément et Auguste pour les travaux des champs.

Merci pour la photo de Félicité dont le décès nous a bien attristé, elle qui nous donnait régulièrement de vos nouvelles. Elle était fière de la réussite de ses deux garçons !  Nous aussi nous nous permettons de vous envoyer deux clichés, l’un de Clément et Gabrielle, et moi avec Antoine et Jean et des Anglais.

Avec Germaine nous nous réjouissons de cette bonne nouvelle, le mariage prochain de votre fille.

A bientôt de vous lire, cher cousin.

Amitiés

Jean-Marie.


Nous avions quitté la famille VINET en 1929.

La suite de leur histoire, c’est Jean-Pierre JULLIAND, le petit fils de Georges qui nous la raconte en ouvrant également l’album photo de la famille de l’époque.

Généalogie Pétard-Vinet

« Voilà la maison de famille de Bellignat, sise au « vieux chemin » avant que celui-ci ne devienne à l’ère moderne du tout identifié et du tout repéré : « le 9 de la rue des Ecluses ». Ladite maison fut construite à l’initiative de mon grand-père Georges Vinet, conscrit de Charlie Chaplin, de la tour Eiffel et du sinistre Adolphe Hitler puisque lui et ses compatriotes conditionnèrent à jamais les destinées de la famille ».

La maison de Bellignat (à gauche) Raymonde, Georges et Élisabeth VINET avec Albert MARTIN, frère d’Élisabeth, vue de Bellignat et de la maison (à droite).

« Ma mère Raymonde fréquenta, après I ‘école Charles Robin de Bourg, l’école communale de Bellignat. Elle s’y révéla très brillante comme en témoignent les appréciations mensuelles particulièrement dithyrambiques de son carnet scolaire ».

« A la fin de sa scolarité obligatoire, 12 ou 14 ans, son instituteur Mr TORTILLET insista auprès de son père pour qu’elle poursuive des études, mais à cette époque la mode n’était pas aux études longues et le grand-père trouva que sa fille serait plus utile et rentable dans l’atelier familial à décorer peignes et barrettes. Ma mère voua tout au long de sa vie une grande reconnaissance à son instituteur pour sa vaine intervention mais aussi pour lui avoir communiqué sa passion des plantes et de la botanique en général ».

Raymonde à l’école, extrait du journal L’éclaireur du 3 juillet 1927 (à gauche) Raymonde avec ses amies et ses parents (à droite)

« Le « non » de ses parents à une prolongation d’études fut à mon avis et surtout aux yeux de ma mère un immense gâchis et une frustration plus ou moins consciente. Je suis persuadé qu’elle aurait été une institutrice motivée, attentive, aimante et passionnée. Elle décora donc de manière très artistique des ornements de coiffure… fit de conséquentes économies qui fondirent comme neige au soleil lors de la dévaluation d’avant guerre et ne lui permirent le moment venu que d’acheter un buffet de cuisine qui accompagna notre enfance et qui désormais sert de réserve à conserves dans notre cave ».

« La vision quotidienne de ce buffet est encore aujourd’hui pour moi synonyme de dévaluation et de frustration »…   

« Le travail à façon pour de plus grosses entreprises marchait bien. Georges effectuait ses livraisons de produits finis avec son side-car, puis les affaires devenant plus prospères avec une Donnet-Zedel décapotable »….

Georges puis Raymonde avec la Donnet- Zedel (à gauche) Georges et Raymonde avec la Traction avant (à droite).
 

« 1939, nouveau coup de tonnerre sur l’Europe, la peste brune enfanté par le traité de Versailles déferla sur notre pays. Les Allemands sont cantonnés à la caserne et sur la place des Écoles à Oyonnax. Les vélos, postes de radios, fusils de chasse devaient être amenés sur la place du village en vue de leur destruction. Mr Chanel, le voisin crut bon de cacher ses vélos dans la haie de noisetiers en face de la maison. Comble de malchance, des soldats allemands se rendant au village, en passant par le pré, aperçurent les dits vélos dissimulés dans la haie et inévitablement vinrent arrêter le présumé coupable à savoir mon grand-père, qui mitraillette dans le dos fut conduit à la « caserne » pour y être fusillé ….  Ma mère affolée, somma Mr Chanel de se dénoncer. Ce dernier ne fuit pas ses responsabilités et rejoignit le groupe. Un jeune gradé ennemi particulièrement teigneux et vindicatif voulait passer les deux terroristes par les armes, sur le champ….Par chance, un vieux militaire plus compréhensif et tolérant, après maintes tractations fit libérer les deux voisins ».

« Autre problème engendré par l’occupation allemande : le manque de nourriture. Nécessité était donc de se ravitailler, en Bresse principalement. C’était surtout ma mère souvent accompagnée de l’oncle Albert Martin qui était chargée de cette corvée, son vélo chargé dans le train à Bellignat destination gare de Bourg. La prospection des fermes à Marboz, Etrez… pouvait alors commencer….quelques fromages de chèvre, un peu de beurre, rarement de la viande, quelquefois un morceau de lard était le maigre butin ramené dans le Haut-Bugey. Plusieurs fois par an, dans les années 50, nous nous rendions en famille dans ces fermes, la ferme de La Croze, chez Charlot… Que de souvenirs des années noires alors remémorés ! Maintenant encore, j’aime en souvenir retourner sur ces lieux chargés d’histoire pour acheter des poulets ».

Georges et Élisabeth Vinet, Maurice et Alice VINET (à gauche) Félicité MARTINOT VINET et de gauche à droite Alice, Maurice, Marcel, Félicité, Georges et Élisabeth (page de droite).

Je n’ai que peu d’informations sur la vie de ma mère, pudeur et discrétion étaient de rigueur à la maison. Des deux côtés d’ailleurs, puisque nous ne posions pas de questions. Ce que je crois savoir c’est que mon père et ma mère devaient se connaître avant la guerre ; Georges disait qu’il avait repéré son « grand plumeau » à cette époque (dixit Georges JULLIAND, mon père).

Toujours est-il qu’ils se marièrent en 1948 à Bellignat !

Église de Bellignat, au jardin, Georges et Élisabeth et Raymonde et sa mère.

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