1929.
Fin décembre 1929, comme chaque année, Jean-Marie PÉTARD ne manque pas d’envoyer une lettre à Félicité et aux cousins VINET de Bellignat, près d’Oyonnax à l’occasion du nouvel an.

Chère Félicité,
J’espère que votre Noël s’est bien passé auprès de vos enfants et petits enfants et que l’absence d’Henri ne vous fait pas trop souffrir en cette période de fête. Demain mercredi nous allons atteler la charrette à cheval pour nous rendre tous les 6 à la Guilbaudière fêter l’année nouvelle avec Gabrielle, Clément et le petit Auguste qui a bientôt 4 mois. Gabrielle comme le veut la tradition aura préparé un poulet et ses excellents œufs au lait.
Chère cousine nous tenons à vous souhaiter à vous, Georges et Maurice et leurs épouses respectives une bonne excellente année 1930, année que nous espérons tous, de paix dans notre monde instable.
Germaine, les enfants et moi nous vous embrassons. JM
Ci-joint une photo récente de nos quatre garçons : Armand, Jean, Antoine et Pierre
Dans les premiers jours de janvier 1930, Félicité ne manque pas d’envoyer ses vœux de bonheur et de bonne santé à la famille Pétard tant à la Chapelle-Basse-Mer qu’à la Guilbaudière… Elle évoque à cette occasion la situation de ses enfants et y joint une photo de la maison de Georges à Bellignat, à proximité d’Oyonnax.
« Georges est très occupé avec son travail pour le moment. Il emploie un certain personnel du peigne ce qui ne lui laisse pas beaucoup de liberté. En plus, comme je crois vous l’avoir dit, il a fait construire une petite usine avec sa maison d’habitation. Elle n’est pas encore achevée et cela lui donne bien du souci.Maurice a acheté une maison il y a un an et demi à Veyziat . Il a déjà beaucoup dépensé en améliorant les dépendances ce qui fait que cette année mes enfants se privent pour faire face à leurs affaires… »
Georges et Maurice sont les enfants d’Henri VINET et de Félicité MARTINOT. Jean-Marie PÉTARD père, a toujours entretenu des relations étroites avec son cousin Henri, son aîné de 2 ans, fils de son oncle François VINET et de sa tante Louise BABIN. Au fil des lettres la famille a suivi son parcours qui l’a amené tour à tour à Nantes, Bordeaux, Paris et Oyonnax.
La famille de François VINET s’occupent du petit commerce des beaux parents BABIN au Landreau avant d’habiter Nantes, rue Bisson, où François est coursier. Les trois sœurs d’Henri meurent en bas âge et Henri, lui-même de santé fragile, passe une partie de son enfance chez ses parents maternels retirés au Loroux Bottereau. Henri a seulement 14 ans quand son père décède à 45 ans en 1874.
Apprenti et salarié teinturier à Nantes puis Bordeaux en 1880… Henri revient un temps habiter Nantes au 13 rue des olivettes avant d’aller sur Paris au cours de l’année 1885 pour y poursuivre son activité professionnelle de teinturier.
Là il rencontre Félicité MARTINOT. Félicité et Henri habitent des rues voisines du 18ème arrondissement. Elle est cuisinière dans la rue Simplon. Lui habite et exerce son activité professionnelle au 9 de la rue Joseph-Dijon.
« Félicité est née un Colmier-le-Haut dans le département de la Haute-Marne en 1859. Elle a entendu sonner le canon prussien à Laugres en 1870. Jeune elle fut placée gouvernante chez un ténor de l’Opéra de Paris et l’a suivi dans toutes les villes où l’Opéra se produisait. Elle chantait « le Barbier de Séville », « Si j’étais roi » « Faust » nous rapporte son arrière-petit-fils Jean-Pierre JULLIAND.
Le mariage entre félicité et Henri est annoncé pour l’été 1886.

Publication du mariage Fonds Coutot : Etat civil de Paris et sa région – Mariages 1860-1902Le Phare de la Loire du 14 juin 1886
C’est à la fin juin 1886, en revenant à la Guilbaudière en permission que Jean-Marie PÉTARD prend connaissance de la nouvelle du mariage d’Henri qui l’invite à Paris pour l’occasion. En retour Jean-Marie lui écrit ce court message :
« Cher cousin, je me réjouis de votre mariage. Hélas je ne pourrais être à vos côtés ce samedi 3 juillet étant contraint de rester sur Nantes du fait de mon service militaire. Après un séjour de plus d’un an dans les Pyrénées j’ai retrouvé avec plaisir l’air du pays ! Vous dites dans votre courrier qu’un vos témoins est le ténor Gustave Pellin. J’ai eu plaisir de le voir au théâtre de Nantes lors d’une de rares sorties autorisées le soir. J’avais découpé à l’époque l’article joint.
Tous mes vœux de bonheur et votre épouse, mon cher ami. Quand vous viendrez saluer votre mère au Loroux, n’hésitez pas à passer vous et votre femme par la Guilbaudière. Amicalement. Jean-Marie
Laissons Jean Pierre JULLIAND, l’arrière petit fils d’Henri nous raconter la suite de l’histoire familiale des VINET : « C’est à Poinçon-les-Grancey, dans le département de la Haute-Marne, que naquit mon grand-père, Georges. Sa mère, née MARTINOT était venue accoucher dans cet endroit bucolique et rural pour fuir l’agitation de la vie parisienne, déjà ! La jeune mère possédait de la famille dans cette campagne reculée où son frère, je crois, exerçait le fabuleux métier de sonneur de cloches, petit mais indispensable métier comme le montre si bien « l’Angélus de Millet ».

« Georges fréquenta l’école Boulle, à Paris, école très réputée pour l’ébénisterie. Il avait un frère cadet, Maurice, lui aussi ébéniste. Tous deux travaillaient faubourg St-Antoine. Fervents mélomanes, ils fréquentaient assidûment déjà enfants l’opéra et faisaient même parfois partie des figurants dans certains spectacles, voir même dans certains chœurs. C’est là, je crois, lors d’une représentation de Werther, que mon grand-père rencontra Elisabeth MARTIN, celle qui allait devenir son épouse. Celle-ci, de dix ans son aînée, ne fut pas accueillie avec beaucoup de chaleur dans le cercle familial »…
« C’est alors que l’événement majeur du 20ème siècle survint, marquant de son empreinte les destinées de la famille…Août 1914: mobilisation générale et début de celle qui devait être la « der des ders ». Partis pour les moissons, les pauvres poilus pensaient être de retour pour les vendanges ! Mobilisé comme vaguemestre, Georges, mon grand-père, devait acheminer de l’arrière vers le front le courrier des soldats ou des messages pour les gradés. Il utilisait pour ce faire deux magnifiques chevaux, dont j’ai oublié les noms. Il racontait souvent qu’il devait traverser un pont régulièrement bombardé par les armées de Guillaume II. Dès que son coursier entendait le sifflement de l’obus, il savait qu’il fallait s’engager au grand galop avant l’arrivée du second… Comme beaucoup de rescapés de la grande guerre, mon grand-père ne parlait que très rarement de cette période de sa vie et des horreurs endurées » …
« Georges à peine parti depuis deux mois au front, Elisabeth mettait au monde, à Paris, en Septembre 1914 Raymonde VINET, ma mère… Trop éloigné de son mari, Elisa vint habiter avec la petite Raymonde dans la maison parentale, chemin des Dîmes à Bourg-en Bresse ».
« Georges et son frère Maurice furent-ils démobilisés ou vécurent-ils leur calvaire jusqu’au jour de l’armistice ? Je ne sais …Toujours est-il qu’atteint de la tuberculose pulmonaire, ils furent conduits au sanatorium d’Hauteville dans le département de l’Ain. A cette époque, aucun médicament ne pouvait enrayer cette maladie. Seul un air de bonne qualité, du repos et une suralimentation pouvaient venir à bout de ce fléau. Le plateau d’Hauteville, réputé pour son air léger et pur vit fleurir quantités de sanatoriums transformés à l’heure actuelle en maison de repos ou de convalescence.
Revigoré par l’air pur et une nourriture abondante, mon grand-père remis momentanément sur pieds, vint s’installer avec femme et enfant à Bellignat. Pourquoi ce choix de Bellignat ? Sans nul doute à cause de la possibilité de travail offerte sur le peigne et l’ornement de coiffure, dans cette vallée déjà prospère. Le grand-père transféra sans problème ses compétences acquises en ébénisterie : dessin, traçage, découpage, dans l’ornement de coiffure et le peigne ».
L’année suivante en 1921, Maurice le frère de Georges, se marie à Bellignat avec une fille du pays et reconnaît de ce fait son fils Marcel né trois plus tôt.

Les parents toujours concierges, rue About à Paris dans le 16ème arrondissement, viendront les rejoindre leurs enfants à Bellignat à la retraite…
Retraite de courte durée dans l’Ain pour Henri. Maurice son fils cadet envoie fin juin 1926 à La Guilbaudière à ses cousines Pétard cette lettre annonçant son décès à 65 ans seulement.
A suivre…
Des échanges fructueux avec les descendants d’Henri VINET
Cet épisode assez original montre comment à partir de quelques simples lettres conservées dans les archives de Clément il y a près de 100 ans, on peut remonter le fil du temps, faire quelques recherches et avec un peu de chance aboutir à de nouveaux contacts avec des «cousins » très éloignés qui vont à leur tour raconter la vie de leurs ascendants.
Un grand merci à Jean Pierre JULLIAND qui a bien voulu me faire partager la vie de ses grands-parents et me transmettre des photos. J’ai pu le joindre juste avant la préparation de cet article et après avoir trouvé ses coordonnées grâce à des recherches généalogiques sur Henri Vinet et ses descendants. Les lettres de Bellignat et surtout le fait que la famille de Jean-Pierre habite toujours la maison de Georges et Elisabeth, ses grands parents, m’ont facilité la tâche.
D’ailleurs Jean Pierre débute le récit de son histoire familiale comme suit : « Situer l’histoire dans le temps n’est pas un problème, par contre quelle personne mettre d’emblée en exergue pour débuter ce récit représente une difficulté majeure puisque tous les membres de ma famille ont à mes yeux la même importance et la même place affective. Alors, pour contourner l’obstacle, je choisirai comme point de départ neutre, une bâtisse chère à mon cœur, berceau de mes souvenirs et épicentre du bonheur : la maison de famille de Bellignat, sise au « vieux chemin » avant que celui-ci ne devienne à l’ère moderne du tout identifié et du tout repéré : « le 9 de la rue des Ecluses ». Ladite maison fut construite à l’initiative de mon grand-père Georges Vinet conscrit de Charlie Chaplin, de la tour Eiffel et du sinistre Adolphe Hitler puisque lui et ses compatriotes conditionnèrent à jamais les destinées de la famille ».
Coucou Michou,
Tu sais que Jpaul est né à Oyonnax… si ça se trouve les cousins Vinet connaissaient les Barithel !
Et je trouve que la petite assise dans le fauteuil sur le médaillon ressemble beaucoup à Cathy.
Bravo pour ce travail de recherche c’est fabuleux de pouvoir raconter avec autant de détails
Bisous
A bientôt
CLaude
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Merci Claude pour ton petit message. Je vous appelle prochainement toi et Jean-Paul pour t’en dire un peu plus sur la famille Vinet.
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