1930.
Les échanges entre Clément HIVERT et la famille WOLLENWEBER vont se poursuivre au début des années 1930 (voir article précédent en 1922).
Fin décembre, Clément envoie ses vœux de bonne année à ses amis allemands, les Wollenweber chez qui il a séjourné à la fin de la guerre. Il n’est jamais retourné sur place depuis mais il a gardé un lien étroit avec Théodor, l’instituteur d’Inden.
« Excusez mon silence ces derniers temps mon cher Théodor », écrit Clément, « cette négligence n’est pourtant pas synonyme d’oubli. Je repense souvent à votre famille, à nos discussions toujours empreintes de respect mutuel » Et d’ajouter, « le travail sur la ferme me laisse peu de répit et je dois aider mon frère Pierre, de santé fragile, sur la ferme familiale du Port-Egaud… Ici les joies succèdent aux peines. Mon père est décédé le 14 août 1929 peu avant la naissance de notre petit Auguste qui a aujourd’hui 15 mois. Je joins à ce courrier sa photo prise récemment »…
La réponse de Théodor arrive peu de temps après, fin janvier…
Théodor souhaite que Clément lui parle des activités de la ferme de la Guilbaudière avant de lui promettre une prochaine lettre plus dense l’été prochain…
Clément attendra la fin juin 1931 pour envoyer une longue lettre à ses amis allemands.
« J’ai tardé à vous écrire car Gabrielle vient de se faire opérer le 11 juin dernier. Heureusement après avoir souffert elle va mieux ! Son médecin, le docteur René Auvigne que nous avons rencontré à Nantes nous a dit « que le rein gauche était très malade et qu’il a perdu toute sa valeur et nous a conseillé sans hésiter de se débarrasser d’un organe qui risquait de compromettre le fonctionnement de sa vessie et de son rein droit… Auguste est sage et grandit bien, même si la maladie de sa maman l’a semble t’il un peu affecté ».
Et Clément de poursuivre « Vous souhaitez, mon cher ami, que je vous parle de la ferme de la Guilbaudière… Suite à la disparition de mon papa et le partage de l’exploitation du Port Egaud la ferme compte désormais plus de cinq hectares. Cette année nos vignes sont belles et les vendanges s’annoncent prometteuses sur nos 1ha20 plantés de Baco-blanc, Muscadet, d’Hybride-fournier, d’Othello, des variétés dont les noms vous sembleront un peu exotiques.
Les 3ha de terres labourables sont occupés au fil des saisons par des betteraves et choux fourragers, pommes de terre, blé, avoine et petits pois. D’ailleurs cette année la culture du petit pois* a été d’un bon rapport. Ce n’est pas le cas de l’osier*, culture qui sert à faire des paniers, pour lequel nous avons hérité d’une petite parcelle, et dont les cours ne cessent de baisser ».
« Pour nous aider dans les travaux de la ferme nous avons fait l’acquisition il y a 2 ans d’une jument grise âgée de sept ans et avons désormais à Saint-Julien une mutuelle chevaline* qui permet d’assurer l’animal contre le risque de décès. Gabrielle s’occupe de la traite de nos deux vaches matins et soirs et des soins au petit veau. Une partie de l’année les animaux paissent dans des prairies qui avoisinent le corps de ferme dont certaines en pré marais ne sont accessibles que l’été seulement. Nous allons d’ailleurs, la semaine prochaine, débuter le ramassage du foin et de la rouche de marais qui sert de litière aux bêtes. Comme vous, Gabrielle élève quelques lapins angora* »
Parlez-moi à votre tour de vos activités et de votre famille. Votre femme et vos enfants vont-ils bien ? Les aînés, Petronella, Jean et Henri doivent désormais être autonomes… ».
(* Voir chapitre suivant : Précisions sur la ferme de la Guilbaudière)
Théodor, dans sa lettre du 5 août 1931 répondra aux attentes de Clément.
Plus tard en mars 1932, Théodor fera parvenir à Clément une nouvelle lettre parsemée de graines, message décrivant la situation de son pays.
Et de conclure celle-ci par une note poétique.
Quelques précisions sur l’exploitation de la Guilbaudière au début des années 1930
La récolte des petits pois en 1931
Durant l’année 1931, sur une vingtaine d’ares, Clément développe la culture du petit pois sur l’exploitation de la Guilbaudière. Le rendement de cette culture a été globalement satisfaisant de la fin mai à la mi juillet. Gabrielle et Clément ont en récolté plus de 1800 kg comme le relate le cahier de compte de la ferme soit un chiffre d’affaires de près de 4000 F. (Le salaire moyen mensuel avoisine les 720 F en 1931). Un cours de plus de 2,00 F le kilo s’est maintenu sur presque l’ensemble de la saison.
Cette vente s’effectue en sacs auprès de mandataires locaux, comme les GAUTRON du village de Cahérault. Ceux-ci alimentent ensuite le marché du « Champ de mars » de Nantes ou apportent la marchandise à la gare de Thouaré pour une expédition vers Paris.
Le déclin de la culture de l’osier
L’osier est cultivé dans la vallée depuis plusieurs décennies. Les producteurs écorcent l’osier brut avant de le livrer à la vannerie. L’opération est effectuée à la main en faisant passer la tige d’osier entre deux tiges de fer arrondies formant ressort. Cette écorce « on l’appelait le « peloué » m’ont précisé Mimi et Jean Pétard « on s’en servait ensuite de liens » !
Au début des années 1930 les acheteurs d’osier ont à peu près mis au point des machines à écorcer, « mais ces machines, trop énergiques enlèvent le brillant de l’osier et déprécient la marchandise. L’écorçage fait ainsi perdre à l’osier brut les 2/3 de son poids et ainsi sa valeur[1] ».
[1] Réf monographie des chaintres par Théophile BRETONNIERE 1932
Depuis le début de la décennie les entreprises de vannerie préfèrent désormais l’osier brut et celui de la vallée n’est plus demandé ! Pour faire face à cette situation en février 1931, une réunion constitutive de l’association des producteurs de chanvre et d’osier de la Loire-Inférieure est organisée à l’école des garçons de St Julien.
Le 22 février 1931, Clément participe à cette réunion car il cultive dans la vallée au lieu-dit « la Sauzaie » une parcelle d’osier de 23 ares qu’il vient d’hériter de son père. Si pour lui ce n’est qu’une culture d’appoint, il en est tout autrement pour les cultivateurs de la vallée dont c’est, avec le chanvre, la culture principale. L’objectif, avec ce syndicat de producteurs est de faire en sorte que le cours remonte ou de demander aux représentants de l’Etat de permettre d’implanter des cultures de substitution comme le tabac.

Centre d’histoire du travail de Nantes
Le lancement de la mutuelle chevaline de Saint Julien de Concelles
La mutuelle chevaline de Saint Julien de Concelles voit le jour en 1929. Tout de suite Clément a choisi d’y adhérer et d’y rejoindre le bureau de l’association présidé par Joseph HIVERT.

En 1931 la jument de l’exploitation achetée deux ans plus tôt est âgée de 7 ans. Son prix est estimé à 4000 F. En effet tous les ans l’animal à la robe « gris fer » est pesé sur la bascule derrière l’église, examiné et évalué par une commission de membres réunie à cet effet.
Le même jour le secrétaire trésorier de la mutuelle Théophile BRETONNIERE, par ailleurs directeur de l’école des garçons, est également présent pour percevoir les cotisations annuelles…
Pour assurer la perte de l’animal une cotisation de base de 2 % de la valeur de l’animal est demandée puis réajustée en fonction de l’évaluation annuelle.
Les lapins « angora »
Gabrielle s’occupe également de la basse-cour composée de quelques poules et, comme l’écrit Théodor Wollenweber, quatre à cinq lapins angora. Gabrielle les dépile (ou les « plume » comme on dit à Saint Julien) régulièrement pour en récupérer les longs poils et les livre chez « Pinard poils ». En effet la production de cette fibre est vivement encouragée par Joseph Pinard, négociant local en poil angora.
Merci pour tes recherches Michel. Elles sont très intéressantes et passionnantes. De plus quand elles arrivent de notre famille. Bravo pour ton travail.
Provenance : Courrierhttps://go.microsoft.com/fwlink/?LinkId=550986 pour Windows 10
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