1819.
Joseph est le 3ème fils de Julien Pétard et Françoise Peigné. Il est né en 1784.

En 1819, Joseph Pétard a 36 ans. Avec sa femme Perrine Duguy, il a trois enfants, Joseph, Lucile et Honoré respectivement âgés respectivement de 9, 5 et 3 ans.
Il est boulanger et vit désormais au 3, rue de Suffren à Nantes où il s’est installé avec sa femme depuis cinq ans.

Pour l’heure les affaires marchent bien et le couple travaille avec deux commis. Perrine et Joseph font désormais partis des artisans bien en vue sur la place de Nantes et fréquentent des amis bourgeois comme Nicolas ANIZON chirurgien de place Bretagne, témoin de la naissance à l’état civil de l’ensemble de leurs enfants, et Antoine HUGUET capitaine de navire
Ce 18 janvier 1819, devant maitre BRAGER Notaire à Nantes, Joseph est particulièrement fier. Se trouve en effet à ses côtés Louis Antoine Jean Baptiste Nicolas DAMIEN DE CHANDENIER[1], lieutenant aux lanciers de la garde royale, petit fils du seigneur de Saint Julien. Celui-ci est en garnison à Paris et a fait le voyage sur Nantes à cette occasion. Joseph remarque que cet homme fier et hautin qu’il voit pour la première arbore au revers de son veston, la croix de la légion d’honneur.
Joseph bien sûr avait entendu parler de la vie des seigneurs du Gué au Voyer par son père Julien mais il ne connaissait pas la vie de cet homme, petit fils du baron et le notaire BRAGER a pris soin avant de lui part avant leur entrevue…
Ce 19 janvier ce qui réunit autour du notaire nantais les deux hommes c’est l’acquisition d’une propriété des CHANDENIER, le Clos de Lebrancherie, à proximité de la Sénéchalière à Saint Julien de Concelles. Joseph achète un « canton de vignes » de 2 ha 65 ares. La transaction s’effectue sur une base de 2800 francs payés au comptant (Le salaire journalier d’un ouvrier agricole étant d’1 franc à l’époque, cette somme représentait plus de 8 années de salaire…).

Ce jour là Joseph est donc radieux, cet achat représente pour lui une sorte de revanche et de pied de nez vis-à-vis du passé et les conditions de soumission du statut de métayer de son père et de ses frères à l’égard de la famille Chandenier !
Ainsi le fils cadet de Julien PETARD et Françoise PEIGNE mesure le chemin parcouru depuis Saint Julien de Concelles qu’il fréquente peu désormais.
La boulangerie, Joseph l’a rencontré très tôt. Jean Baptiste MOUILLERAS, né lui aussi en 1784, était un de ses amis du bourg et fils du boulanger de St Julien. De plus très jeune, Joseph était souvent auprès de son père Julien quand il préparait le pain une fois par mois avant de s’enfourner dans le four de la métairie.
Pendant les périodes de soudure entre deux fournées, Joseph était toujours volontaire pour aller chercher les pains de 5 ou 6 livres et faire à pied les trois kilomètres qui séparaient la Sénéchalière du bourg et ainsi échapper aux travaux de champs.
Là, les enfants du boulanger lui montraient l’antre de travail de leur père François : le four à pain avec des briques de terre réfractaires qui en constituerait la voûte.
Le boulanger du bourg de St Julien décéda tôt fin 1794 à 36 ans. Son épouse Marie MAUDAVANT chercha alors des bras pour faire le travail car cette année là leur fils ainé Jean-François n’avait que 13 ans. Fut employé alors Jean BARANGER, âgé de 48 ans, boulanger à Saint Philbert de Bouaine, en fuite avec sa famille, car poursuivi par la justice révolutionnaire dans son fief vendéen.
La boulangère de St Julien alla demander à Françoise Pétard si son fils pouvait être apprenti aux côtés de Jean François, leur fils ainé. Son père Julien accepta en disant à son fils âgé de 11 ans : « au moins tu ne manqueras jamais de pain ».
Joseph apprenti Boulanger
Une des activités de Joseph, avec le fils de la maison, fut l’après-midi de couper les bûchettes de la longueur voulue, puis les fendre et les faire sécher régulièrement à proximité du four après les fournées, profitant ainsi de la chaleur qui y règne encore.
On lui donnait à faire toutes les tâches de manutention et les tâches de nettoyage du fournil et du pétrin… ou de secouer les sacs de farine vides pour récupérer les restes de farine avant de les rendre au meunier.
Puis Joseph apprit d’abord à défourner le pain. Tôt le matin, avec les fils MOUILLERAS, on lui laissera défourner la dernière fournée. Le travail est dur pour le jeune garçon d’autant qu’il faut se réveiller tôt et tenir le coup pendant les longues heures passées au fournil.
Puis, on lui confiera dès sa deuxième année la préparation des levains et peu à peu le pétrissage, après que le boulanger ait finalisé la composition du mélange. Diviser, peser, façonner la pâte à la main, enfourner le pain viendra plus tard avec la force de l’âge, à partir de ses 14 ans, toujours sous l’autorité de Jean BARANGER et de Jean François MOUILLERAS, le fils ainé.
Après la révolution l’activité de la boulangerie diminue et Joseph retourne travailler à la métairie de la Sénéchalière.
Joseph commis Boulanger
En 1804 Joseph a 20 ans. Il quitte Saint Julien pour rejoindre Nantes. En effet Jean François MOUILLERAS s’est marié depuis deux ans avec la fille de Jean, Rose-Victoire et prennent peu à peu sa suite sa suite, à la boulangerie installée rue dos d’âne[2], près de la Loire.
L’affaire marche bien et Jean François fait appel pour suppléer au père BARANGER vieillissant à l’ancien apprenti Joseph PETARD qu’il connait comme sûr et travailleur…


Le travail Joseph le connait parfaitement. Levé dès l’aurore les journées sont longues.
D’abord il faut effectuer les le mélange des ingrédients avec les bonnes proportions, farine eau et de levain avant un long pétrissage fait à la main. Une fois, le pétrissage terminé, la pâte est laissée reposer dans le pétrin, où on la laisse « pousser ».

Puis il faut façonner les pains de 5 livres et même de 10 livres et aller vite car pendant ce temps la pâte continue à travailler. Avec le four préparé préalablement par les deux apprentis la chauffe étant est en route, vient alors le moment de la cuisson. Il faut préalablement « couper » le dessus de chaque pâton par de légers coups de lame de couteau, geste qui permet aux pains de se développer correctement au moment de la cuisson…
Jean François et Joseph enfournent les pâtons à l’aide de pelles équipées de longs manches. C’est en effet toute une technique ; il faut verser le paneton sur la pelle sans laisser tomber le pâton, d’un seul coup, en évitant que la pâte ne colle sur la pelle et ne s’attache.
Il fait chaud, le boulanger travaille face à la fournaise, et il faut une force musculaire pour manipuler les longues pelles portant à leur extrémité un pâton de plus de 8 à 10 livres. Après plus de 50 minutes de cuisson, il faut, avec l’aide d’un apprenti, faire le défournement avec autant de soin que la mise au four car les pains très chauds se brisent très facilement.
Reste à faire dorer les pains avec une brosse humide, avant la mise en vente, travail dévolu à Rose, la boulangère et femme de Jean François.
Les horaires et les contraintes du métier l’obligent à se loger à proximité… Joseph va donc s’installer dans une chambre mansardée, rue de Vertais, une rue populaire de l’autre coté du bras de Loire. Celle-ci compte de nombreux artisans et commerçants liés en particulier à l’habillement, fileuses, chapeliers, tisserands, lingères.

La proximité de la Loire fait se rassembler également ici de nombreux marins pêcheurs dont certains originaires de St Julien que Joseph connait bien Cette rue est animée certains soirs autour des cafés et débitants avec beaucoup de gens qui boivent, se disputent et se battent…
Dans la même rue de Vertais, Joseph rencontre en 1808 une jeune fille de 18 ans, Françoise Duguy, tailleuse de son état qui vit avec ses parents. Un an après ils décident de se marier.

Le mariage seulement civil a rebuté son frère ainé Julien, mais les parents de joseph Françoise et Julien ont tenu à être présents à Nantes ce 13 juillet 1809 et à signer le registre à côté, de Jean François MOUILLERAS, son employeur, et Jean BARANGER, son maitre d’apprentissage, témoins du jour.
Joseph patron Boulanger
Très vite Joseph et sa femme Perrine souhaitent prendre leur indépendance et s’installe dès 1809, à la suite de leur mariage rue de la Clavurerie à Nantes, d’abord comme revendeur de pain en poursuivant son activité chez MOUILLERAS…

… puis le couple s’installe trois après dans une véritable boulangerie au 3 rue de Suffren.


Les premiers temps sont durs car il faut se faire une clientèle, payer un loyer mensuel élevé à la veuve COSNIER, la propriétaire.
Peu à peu grâce aux dons de commerçante de Perrine et au travail de Joseph, l’activité a permis au couple d’avoir une meilleure assise financière et ainsi de pouvoir investir comme ce 18 janvier 1819.
Joseph et sa femme auront 4 enfants avec la naissance du dernier Théophile en 1827. A cette époque, à 43 ans, il cesse son activité de boulanger pour devenir devient rentier, faisant de nombreuses acquisitions à Nantes d’abord, rue de Vertais, puis à Rezé, aux trois moulins où il habite désormais… Même chose à Saint Julien où le couple investira dans des terres et des vignes.

Le couple habitera aux 3 moulins à Rezé jusqu’en 1875 et ils décèderont tous les deux l’année 1875 à 90 ans passés.
Jusqu’en dans la mort Joseph en faisant construire un imposant caveau de famille a voulu montrer sa réussite sociale et professionnelle.

[1] Fils de Louis-Jean-Baptiste-Damien de Chandenier et de Marie-Françoise Brammertz né le 5 décembre 1796 à Aix-La-Chapelle (Prusse, française de 1794 à 1814, chef-lieu du département de la Roer).
[2] Au milieu de son parcours, un dos d’âne lui a donné son nom. Durant la période de la Révolution, la voie a été temporairement baptisée « rue Caton ».
Bonjour Monsieur.
Vous avez fait un travail remarquable sur la vie de Joseph Pétard, boulanger à Nantes. Félicitations. Pour ma part, j’ai longtemps recherché les origines financières du château de Monval au Clion (aujourd’hui Pornic), propriété construite par Joseph Pétard, vicaire, dès 1855. Eu égard au salaire de ce vicaire, je me suis longtemps interrogé sur cette acquisition. Mais aujourd’hui, quand je vois l’aisance financière des parents, tout semble mieux s’expliquer. Bonne soirée et vous pouvez me contacter si vous le souhaitez. Michel Baconnais – Pornic
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Merci beaucoup M. Baconnais pour vos encouragements. Nous restons bien-sûr en contact afin de poursuivre cette histoire avec vos recherches sur la vie des descendants de Joseph Pétard.
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