1823. Au village du Chêne
A la naissance de leur 6ème enfant en 1823, les époux HIVERT-RINEAU sont revenus à Saint Julien, au village du Chêne, depuis quatre ans maintenant, quittant la Sangle et la Chapelle Basse Mer. En se mariant les deux autres derniers frères de Noël, François et Pierre Daniel, sont partis comme métayers à Champtoceaux dans le département voisin du Maine et Loire.

Après Mathurine deux ans plus tôt, Pierre HIVERT est le deuxième enfant à naitre au Chêne.
L’an 1823, le 30 juin, par devant nous, adjoint délégué du maire pour remplir les fonctions d’officier de l’état-civil de la commune de Saint-Julien de Concelles, canton du Loroux-Bottereau, département de la Loire Inférieure, est comparu Noël HIVERT, laboureur, âgé de 44 ans, demeurant au Chêne en cette commune. Lequel nous a présenté un enfant du sexe masculin, né de ce matin à 10 heures, de lui déclarant, et de Marie RINEAU, sa femme, auquel il a donné le prénom de Pierre. Les dites déclaration et présentation faites en présence de Pierre RINEAU, laboureur, âgé de 28 ans, et de Jean RIPOCHE, laboureur, âgé de 28 ans, les deux demeurant au Chêne en cette commune. Et ont, les père et témoins, déclaré ne savoir signer, de ce enquis, d’après lecture. BECOT adjoint
Retranscription de l’état civil de St Julien de Concelles de juin 1823
Pierre est né dans la maison jadis occupée par les parents de Marie. En effet avec Noël ils ont racheté en 1819 la part de l’héritage à Joseph CORALLEAU, celui-ci s’étant remarié en effet avec la mère de Marie, Jeanne SECHER, en 1795[1].
En effet le rachat de la part de l’héritage du 1/3 de son beau-père CORALLEAU se composait « tant en maison, terres labourables, prés, pâture aux et marais situés dans les communs de St Julien t du Loroux ». S’y ajoute quelques arpents de vigne dans l’Ouche du chêne et des terrains dans le bas village du chêne et des prés dans le marais du même nom, « soit 1020 francs à payer à payer aux mains du vendeur à la Toussaint prochaine, soit 1 novembre 1819 ».



La confiance ne règne pas entre Noël et Marie et les CORALEAU père et fils. Aussi le paiement se fait en deux fois, d’abord 460 francs au 2 septembre et 560 Francs au 2 novembre 1819.

Lors de la signature des actes chez le notaire PHELIPPES Noël est fier de montrer qu’il sait désormais signer.
Le couple s’installe donc à la fin de l’année 1819 au village du Chêne dans la maison ayant appartenu aux parents RINEAU, à côté de Julien l’oncle de Marie.

La maison du Chêne
En 1823, pour entrer dans la maison du chêne[2], il faut pousser une grosse porte ogivale, noircie par les intempéries et fortement bardées de fer.
La maison se compose de deux pièces d’égales dimensions avec une porte intérieure qui relie la cuisine et la chambre. Dans chaque pièce, une poutre énorme, taillée grossièrement était soutenue elle-même par un poteau vertical. Le sol est en terre battue avec quelques mamelons et des trous.
On accède au grenier par un escalier extérieur. Des grains de blé et d’avoine, s’échappent de la provision du grenier et passent fréquemment entre les planches disjointes du grenier dans lequel courent les rats dans les réserves.
Le jour ne pénètre que par d’étroites fenêtres à quatre petits carreaux orientés au nord et l’intérieur est sombre. S’entassent dans la pièce commune la maie à boulanger, une commode, un bahut à linge, un buffet et son vaisselier, une maie, un garde manger, une grande armoire en frêne avec le nombreux linge de maison… Les murs sont garnis de quelques planches qui font office d’étagères et du râtelier à pain de ménage…

À gauche de cette salle commune dans le mur du pignon, trône la cheminée large et haute avec au-dessus du foyer son trépied avec marmites et chaudrons noircis. Jambons et andouilles y sont pendus lorsqu’on a tué le cochon.
Dans la chambre trois lits garnis d’une paillasse se touchent ; un lit pour les filles Marie, Jeanne, Françoise âgées de 6 à 15 ans. Joseph lui a son lit mais le partage parfois avec Marie BAGRIN sa grand-mère qui dort à ses côtés quand elle séjourne au Chêne.
Celui de Noël et Marie isolé d’un rideau possède un marchepied. Mathurine, âgée de 2 ans, couche avec les parents tandis que Pierre le nouveau né dort au pied du lit dans un berceau d’osier, confectionné par Noël qui cultive plusieurs oseraies dans les terres basses du village du Chêne.
Un crucifix est présent dans chaque pièce avec également deux statuettes de la vierge données par la maman de Marie et quelques gravures de la guerre de l’empire en hommage à son frère Jean.
Toute la famille vit dans la salle commune. Au milieu, se tient une grande et massive table en cerisier, flanquée de ses deux bancs sur lesquels les enfants prennent place aux heures des repas.
Cette pièce sert aussi d’atelier car durant les veillées ou les jours de mauvais temps. Noël y fait de la vannerie avec l’osier du marais et Marie file le lin et le chanvre avec son rouet.
Durant toute sa vie à Saint julien, Noël n’aura de cesse de vouloir asseoir son statut de propriétaire achetant au fil des ans, vignes, terres ou prairies.

En 1836, Noël a bientôt 60 ans, et avec l’aide de ses enfants et de son domestique Aimé Clément travaille sur une exploitation dont le patrimoine s’est étoffé au fil des ans.


[1] Jeanne est décédée en 1800.
[2] D’après l’inventaire lors du décès de Noel Hivert et avec l’appui de l’étude démographique sur la commune de Saint-Julien de Concelles du Dr Lecerf (1895)… M. le Dr Lecerf a étudié avec soin les conditions démographiques par lesquelles a passé la commune qu’il habite et où il exerce la médecine depuis une trentaine d’années.