1836.
En début de cette année 1836, Jean voit arriver dans le village de la Guilbaudière, le maire Mr Brevet et l’instituteur missionné par la mairie pour recenser tous les habitants. Ceux-ci lui expliquent que le préfet du département Maurice Duval lui a donné l’ordre d’inscrire sur un grand registre tous les habitants de la commune[1].

Jean présente l’ensemble des résidents de la maison de la Guilbaudière. Tout d’abord, Jeanne sa femme qu’il a épousée il y a maintenant plus de 16 ans le 14 juillet 1819 puis son beau père François BOUYER âgé de 66 ans qui vit avec eux.
Jeanne décline son âge, 36 ans et présente ensuite l’ensemble de ses enfants. Jeanne 11 ans, Jean 10 ans, François 5 ans, Théophile François 3 ans et Julien âgé de 10 mois. Le couple signale avoir perdu plusieurs enfants avant l’ainée ; Marie en 1820, Jeanne en 1821, puis et récemment Françoise il y a à peine six ans.
François BOUYER tient à dire au maire et au secrétaire de mairie qu’il considère Jean comme son fils, lui qui a vu disparaitre un à un l’ensemble de ses filles à l’exception de Jeanne. Elisabeth, puis deux Marie sont décédées en bas âge et il pleure encore sa femme Elisabeth GARNIER décédée l’an dernier.
De même Jean a expliqué à l’agent recenseur que la métairie de la Sénéchalière était exploitée par julien son frère ainé, depuis la mort de son père, il y a plus de dix ans, et l’un de ses cousins. Il s’est dit content d’avoir rencontré Jeanne et apporté ainsi sa contribution à la ferme de son beau père en y développant particulièrement la culture de la vigne.

La famille vit ensemble dans la maison de François BOUYER à la Guilbaudière.

Puis dans la cave, autour d’un verre de muscadet, Jean explique sa passion pour la viticulture. En effet outre l’exploitation des arpents de vigne de son beau- père et de quelques unes à complant, Jean gère en propriétaire les parcelles de la « Pièce jouy », des « Trois moulins » et des « Brégeonnes ».


Matrice cadastrale de 1836 St Julien de Concelles – Etat des propriétés de Jean Pétard – Archives départementales de Loire-Atlantique
Le travail de la vigne
En cette fin du mois de mars 1836 Jean vient de finir la taille de la vigne avec une « serpette à tailleron ». A ses cotés se tient son fils Jean. Il lui apprend à son tour à tailler. Suivant le cépage, on taille à court le bois à 2 ou 3 yeux, sur trois ou quatre cornes pour le rouge, les cépages de Cabernet ou de Grolleau ou à long bois pour le muscadet et gros plant avec un sarment auquel on laisse 7 ou 8 yeux. Celui-ci est replié attaché sur l’échalas, avec des liens d’osier.

Après la taille, Jean devra déchausser à la houe. Les rangs seront ensuite chaussés au printemps avec la charrue et le cheval.
Puis viendra fin avril le temps du débourrement. Les bourgeons s’ouvrent et laissent sortir les premières feuilles et la fleur paraît fin mai. Pour éviter le gel en cette période délicate des « saints de glace » Jean et sa famille allaient prier saint Pancrace fêté le 12 mai de chaque année.
Puis très rapidement, avant la Saint-Jean, les raisins se forment. C’est la nouaison. Durant cette période la vigne étant une liane très vigoureuse, elle produit de nombreuses pousses que Jean doit contenir ou éliminer pour favoriser le fruit. Le rognage s’effectue donc l’été en famille à la serpette.
Par ailleurs, la vigne n’aime pas la concurrence et apprécie un sol bien travaillé ; il faut donc piocher et désherber plusieurs fois dans l’année. Jean et Jeanne et les enfants s’y emploient une fois les foins terminés. De même les rejets du pied doivent être éliminés pendant toute la période de végétation.

Pendant cette période à la fin du mois d’août la famille peut s’arrêter de temps à autre à l’ombre d’un pêcher de vigne et y déguster les délicieuses pêches.
Enfin, vient la récompense : le raisin mûrit, change peu à peu de couleur, il accumule des sucres et des arômes. La vendange, s’effectue normalement dans la deuxième quinzaine de septembre.
Nous y reviendrons dans un prochain chapitre.
[1] L’État par le gouvernement d’Adolphe Thiers, sous la monarchie de juillet, demande véritablement l’établissement de recensements par commune et, pour chacune, par famille et par individu. Des agents du recensement vont désormais parcourir tous les cinq ans les villes et les villages pour en comptabiliser les habitants et inscrire des informations individuelles dans de grands registres.