Les LALLIER, amis de Jean Pétard – Joseph, tonnelier à La Guilbaudière et Guillaume, sur un baleinier

1837. Joseph LALLIER est tonnelier au village de la Guilbaudière.

Voisin et ami de Jean Pétard, il  s’est marié à Françoise Rousseau en 1837. Ils  ont eu  4 enfants. Jean a d’ailleurs été témoin de naissance de l’ensemble de ceux-ci.

Extrait recensement 1936, St Julien de Concelles, archives départementales de Loire-Atlantique.

Joseph et Jean ont tous les deux des vignes et s’entraident au moment des vendanges. Jean apprécie le savoir-faire de Joseph et il aime le regarder au fil des mois confectionner les barriques ou tonnes en bois de chêne ou de châtaignier.

Les étapes sont longues. Après l’abattage et  le tronçonnage des arbres, les billes sont acheminées dans l’atelier à la tonnellerie. Joseph procède alors à la fente du bois pour obtenir les merrains. Le séchage de ces merrains est très important et va durer au moins trois ans à l’air libre.

Merrains

Une fois le bois sec, Joseph à l’aide de calibres façonne les douelles à partir des merrains. Il faut 32 douelles pour monter une barrique. On les encastre dans un câble qu’on resserre progressivement. Lorsqu’elles sont jointes, on glisse un premier cercle de fer.

Calibre de tonnelier – http://histoiresdoutilsartisanaux.fr

La barrique est ensuite cintrée au feu et humidifiée pour que le bois s’assouplisse. A coups de marteau, Joseph ajuste alors les autres cercles, donnant à la barrique sa forme définitive. Pendant ce temps, Joseph assemble les fonds en les découpant et les biseautant. Puis il met en place et ajuste le cerclage définitif à l’aide de cercles de fer ou de châtaignier. Enfin, Joseph perce la douve de bonde.

Guillaume LALLIER

Un jour de printemps 1837 alors que les deux hommes conversent ensemble, ils voient arriver un homme plutôt petit dans l’encablure de l’atelier de Joseph. Celui-ci reconnaît son cousin, de 4 ans son cadet, avec qui il a fait son apprentissage de tonnelier.

La conversation tourne autour du métier qu’ils exercent tous les deux. Guillaume habite rue Noire à Nantes. Il se déplace au gré des besoins et vend ses services de tonnelier à des professionnels du pays nantais. Jean est impressionné par cet homme qui parle de contrées lointaines « d’océan pacifique, du cap Horn ou du cap de Bonne Espérance »,  lui dont le voyage le plus lointain fût d’aller à Nantes.

Guillaume raconte en effet qu’il prit la mer à plusieurs reprises, d’abord en tant que novice en 1821, puis en tant que chef tonnelier plus tard en 1827, d’abord sur le navire « L’Océan » un petit baleinier de 340 tonneaux environ …

Tableau de bord « L’Océan 1829» archives départementales de Loire-Atlantique 7 R 4 / 388

 » Notre rôle de tonnelier était très recherché car sur chaque bateau, on transportait des tonneaux qu’on réparait et fermait. C’est dans des tonneaux qu’étaient transportés l’eau douce, le vin et cidre pour l’ensemble de l’équipage mais aussi la graisse de baleine, huile si précieuse qu’on utilise comme combustible pour les lampes à huile ou comme cire pour les bougies et pour faire des savons.

Pour chercher le précieux liquide j’ai chassé d’abord en tant que mousse la baleine sur les côtes d’Afrique puis peu à peu celle-ci se font faites rares dans l’atlantique alors avec le navire « L’Océan » en 1827, on a dû aller plus loin, passer le cap Horn pour se rendre sur les côtes du Pacifique.

Notre capitaine Timothée GARDNER était anglais comme presque la moitié de l’équipage composé de 25 marins dont 6 officiers. Il nous a dit avant de partir de Nantes le 14 juillet 1827 pour une campagne de mer de plus de deux ans que notre armateur nantais Thomas DOBREE, a appris par des associés anglais qu’on avait repéré un énorme banc d’éléphants de mer de cinquante lieues de long au large de la Californie ».  

Tableau de bord « L’Océan 1829» archives départementales de Loire-Atlantique 7 R 4 / 388

«  Nous sommes partis de Paimboeuf le 22 juillet 1827 avec nos cales pleines de tonneaux et de victuailles pour ce long séjour loin de France ».

Document  Fonds Dobrée – Navire baleinier l’océan 1827/1829 – Extraits des victuailles transportées – Archives municipales de Nantes – 8  Z  847

« Le voyage fût long pour nous rendre jusqu’au Pacifique, car nous avons d’abord suivi les côtes africaines pour n’arriver au sud de l’Afrique au « Cap de bonne espérance » qu’au début du mois d’octobre 1827. Pendant ce temps on travaillait sur le bateau pour être prêt pour la chasse en mer ».

Journal de bord du second sur le navire l’océan 1827/1829 – Archives municipales de Nantes – Fonds Dobrée – 8  Z  833

Voyant que ses interlocuteurs ne le comprenaient pas, Guillaume déplia une vieille carte qu’il avait en permanence dans son sac pour leur montrer les étapes de son périple autour du globe.

« Pendant un long mois au large du sud de l’Afrique, nous avons cherché vainement des bancs d’éléphant de mer et avons pris péniblement seulement deux petites baleines, alors le capitaine nous a dit « cap sur les Malouines » que nous avons rejoints en janvier 1828.

Nous avons attendu un temps plus clément pour passer lever l’ancre de l’ile de Soledad des Malouines et doubler le Cap Horn à la mi-février. Là des vents contraires nous poussaient vers les iles de Diego Ramirez au large de la Terre de feu et il a fallu toute l’adresse du capitaine pour éviter de s’échouer.

Au mois de mars 1828 nous avons longé les côtes du Chili et mouillé quelques jours sur l’Ile de Santa Maria pour y prendre bois et produits frais en particulier des pommes et des coings ».

Carte monde Kupferdruck 1824 – David Rumsey Historical Map Collection

 » En remontant ensuite le long des côtes du Pérou, faute de baleines et d’éléphants de mer,  nous avons chassé les loups marins et dans la seule journée nous en avons capturé plus de cinquante.

Après une escale aux  îles Galapagos,  nous avons commencé la chasse au cachalot permettant de remplir 13 barils d’huile. Ensuite nous avons fait escale à l’île Cocos pour se ravitailler en eau et en bois mais aussi en noix de cocos qu’il  y avait à profusion dans cette île. Nous en avons pris plus de deux mille…  

Les éléphants de mer se faisant rares dans cette zone,  nous sommes remontés peu à peu vers la Californie avec l’ile de Cerros comme port d’attache après une escale en juin 1828 à San Lucas. 

De peur des désertions, notre capitaine évitait les escales dans des endroits fréquentés, comme San Lucas, mais il a bien fallu le faire à plusieurs reprises pour mettre au repos l’équipage et se ravitailler en vivres et produits frais qu’on échangeait souvent sous forme de troc, en particulier avec la chair de nos captures.

A l’escale de San Lucas deux de nos hommes dont Augustin Bastard, un de nos harponneurs se sont  enfuis, provoquant la colère du capitaine » …

Tableau de bord « L’Océan 1829» archives départementales de Loire-Atlantique – 7 R 4 / 388

«  C’est seulement à partir de mi juillet que la chasse à l’éléphant de mer et la baleine a vraiment débuté entre les Iles Bonnites et Cerros pendant plus de 3 mois ».

Pour mieux montrer à ses interlocuteurs ce lointain territoire de chasse, Guillaume a sorti de son sac une autre petite carte de la Californie cadeau de son ami, Isaac La Biche, second sur le bateau.

Carte Dépôt général de la marine française 1826 – David Rumsey Historical Map Collection

«  Des mois fatigants car au-delà du travail nos conditions à bord étaient difficiles et avec la fumée et les odeurs liées à la chasse on vivait sans cesse dans une atmosphère humide et crasseuse. Les rats, les blattes pullulaient, dévoraient tout, malgré la présence de chats. La nourriture n’était pas variée faite souvent de porc salé et bœuf salé.

En novembre les 3/4 des hommes étaient malades et nous avons mis en terre à Cerros, deux de nos malheureux marins, morts du scorbut selon notre chirurgien René OGER. Pour l’un d’entre-deux il s’agissait de mon compagnon, André HENRY, tonnelier comme moi qui faisait également office de maître d’hôtel ».

Tableau de bord « L’Océan 1829» -Archives départementales de Loire-Atlantique -7 R 4 / 388

« Le capitaine Gardner et son adjoint La Biche ont alors décidé de faire une pause pour l’équipage et de mettre cap au nord, vers Todos Santos afin également de refaire le plein en produits frais ».

Carte Californie- Dépôt général de la marine française 1826 – David Rumsey Historical Map Collection

«  Mais lors de l’escale, en plus de nos morts du mois précédent, comme le craignait le capitaine deux anglais, Smith et Thomas, nos forgeron et charpentier anglais ont été enregistrés comme déserteurs le 10 décembre 1828 …  »

Tableau de bord « L’Océan 1829» Archives départementales de Loire-Atlantique – 7 R 4 / 388

« Le capitaine a dû compléter notre équipage en recrutant à Todos Santos deux ex-déserteurs désirant revenir en Europe et à Cerros deux indigènes « Cachalot et Bitord » originaires des îles Sandwich, par ailleurs excellents marins et harponneurs ».

Tableau de bord « L’Océan 1829» Archives départementales de Loire-Atlantique – 7 R 4 / 388

« Notre chasse aux animaux marins a repris début  janvier 1829 et nous avons observé au large de la « baie verte » et de Cerros de nombreuses bandes d’éléphants, beaucoup plus qu’il n’en fallait pour remplir le bateau. Un bon bilan de la pêche californienne, souligna Isaac La Biche, le second, quoique faible sur les prises de baleines ».

Extrait du journal de bord du second sur le navire l’océan 1827/1829 – Archives municipales de Nantes – Fonds Dobrée – 8  Z  832

« Nous avons entamé le voyage retour après l’escale de ravitaillement au cabo de San Lucas à la pointe de la Californie ».

Carte Californie- Dépôt général de la marine française 1826 – David Rumsey Historical Map Collection

« Ce voyage retour qui dura plus de 6 mois ne fut pas de tout repos : désertion de plus de cinq hommes à l’escale de Talcahuano en mai au Chili, voiles glacées qui nous empêchaient d’avancer au Cap Horn… Nous étions contents après une longue traversée de l’Atlantique de voir le 9 septembre les côtes françaises puis la Loire à Saint Nazaire. 

La « Santé » vint à bord et interdit toute communication avec la terre ; le 10 septembre la quarantaine fût levée et le pilote du port nous emmena à Paimboeuf où nous avons mouillé. Le 11, nous fûmes à terre.

D’après les comptes du capitaine, « l’Océan » a rapporté un résultat moyen de 387 futailles d’huile et un « grenier » de fanons ».

Documents  Fonds Dobrée – Navire baleinier l’océan 1827/1829 – Extraits du cahier de capitaine Gardner – Archives municipales de Nantes – 8  Z  847

 » Les recettes avoisinant les 120 000 F, je fus payé le 1/150ème prévu soit environ 800F moins l’avance de 150F initialement donnée… rémunération moindre que le chirurgien OGER qui voyageait au 1/100ème ainsi que les harponneurs au 1/115èmemais plus que les novices et les mousses au 1/200ème ou 1/400ème « 

A suivre

Archives de Nantes. Fonds Dobrée (8Z) Premier voyage du navire Le Nantais.- Journal de bord du second lieutenant (14 septembre 1817 – 8 novembre 1818).

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