Guillaume LALLIER et Joseph PETARD, tonneliers sur le baleinier le Cap Horn

C’est au printemps 1841 que les deux hommes que Jean Pétard et  Joseph LALLIER revoient Guillaume LALLIER. Celui-ci  vient alors chez son cousin commander quelques caisses de Muscadet à l’occasion de la préparation de son mariage

Mariage Guillaume LALLIER et Rosalie MELLIER à Nantes- Etat Civil 1841 – Archives de Nantes

Il leur raconte alors son autre voyage dans les contrées lointaines à la chasse aux éléphants de mer et  à la baleine, il y a déjà près de dix ans cette fois 1830 à 1832… cette fois-ci à bord du navire « Cap Horn » dont Thomas Dobrée l’armateur nantais fit l’acquisition peu de temps avant sa mort en 1828 à un collègue bordelais[1].

Matricules de navire 1829 Cap Horn -Archives départementales de Loire-Atlantique  7 R 4 / 16.

« Nous sommes partis le 13 mai 1830 de Paimboeuf avec un équipage impressionnant de 46 hommes.  Le capitaine du bateau était le célèbre Michel THEBAUD, dit « THEBAUD la baleine » pour ses exploits  passés[2]

Gravure Thébaud – Madek livre Horizons et Matricule Capitaine 1826 -Archives départementales de Loire-Atlantique 7 R 4 / 1108

Dans ses instructions du 10 mai 1830, l’armateur nantais lui recommande de se trouver dès les premiers jours d’octobre sur la côte de Californie pour la saison des éléphants de mer « qui commence en octobre et finit en février ou mars ». Alors il pourra aller rafraîchir son équipage « sur quelque point de la côte nord- ouest d’Amérique, par exemple dans la baie de Monterey (sic) par 37° ». Il doit saisir l’occasion de pêcher les baleines et remonter au besoin jusqu’au 60e degré de latitude nord[3].

« Notre navire était un équipage de marins expérimentés mais aussi de « mauvais sujets », comme se plaisait à dire le capitaine craignant rébellions à bord et désertions en chaîne.Cette fois-ci à bord nous étions trois tonneliers et j’ai fait embaucher à bord Joseph Pétard, le fils de Jean-Eutrope, l’un de tes cousins Jean ! qui fût tonnelier au bourg… »

Rôle de bord « Le Cap Horn » 1832 -Archives départementales de Loire-Atlantique 7 R 4 / 393

« Notre voyage fut assez rapide car nous avions passé le cap Horn à la mi juillet par une mer agitée et un froid polaire. J’ai été malade pendant plus d’un mois. Pour le capitaine Thébaud qui n’était pas du genre facile j’ai été accusé d’être un « tire-au-flan, un dépravé, bon seulement à faire la fête ».

« Nous avons rejoint les Galápagos en septembre et avons mouillé à L’ile Chatham pour charger du bois avant de débuter fin septembre notre chasse aux loups marins ».

« En remontant progressivement sur les côtes de Californie, ma santé s’est améliorée mais le capitaine est nerveux. Outre les tensions à bord durant le voyage, pas de cachalots en vue »

Le cap Horn – Récit du 1er octobre 1830 -Journal de bord du capitaine 1830-1832 – archives Nantes Fonds Dobrée 8  Z 870

« C’est aux iles Cerros, Benito et Guadeloupe que nous avons commencé réellement notre chasse aux éléphants de mer grâce à nos quatre canots. Notre travail de tonnelier a alors réellement débuté avec un travail acharné tous les jours… »

Le cap Horn – Récit du 15 décembre 1830 – Journal de bord du capitaine 1830-1832 – archives Nantes Fonds Dobrée 8  Z 870

« Fin 1830, la chasse était très moyenne dans la zone par rapport à ce que j’ai connu avec le navire « l’Océan » deux ans plus tôt. De plus les hommes ayant le scorbut en décembre nous avons fait route vers la ville de Todos Santos. Puis le capitaine a mis le cap au Nord en janvier 1831, vers Green Bay et Monterey, sans grands résultats… ».

« Nous sommes revenus en fin de campagne sur nos terres habituelles dans la grande baie de Cerros où nous avons pu compléter la cargaison d’éléphants… »

 « En mars 1831, un drame est survenu avec le trépas en mer de trois de nos compagnons. La pirogue 4 s’est  retournée contre les brisants et Blais, Montaguez et Collet ont disparu. Le capitaine m’a même demandé de contre- signer le procès verbal de disparition avec le chirurgien Neveu et les seconds Tropel et Tournerie ».

« Suite à cet épisode douloureux la vie à bord est devenue très tendue avec la fin de la saison de pêche des éléphants.  Une pêche assez mauvaise voulait dire faibles revenus pour tous car nous étions nombreux à bord pour nous partager les gains estimés. De plus il y avait des tensions perpétuelles avec les officiers de bord, un manque de viande entraînant des bagarres et deux hommes furent mis au fer. Je fis moi aussi partie des mutins et le capitaine me prit en grippe à nouveau. Pour calmer les esprits le capitaine ordonna le cap vers la côte et San Lucas en juin 1831 où 12 bœufs furent achetés et en partie salés ». 

Le cap Horn – Récit du 21 juin 1831 -Journal de bord du capitaine 1830-1832 – archives Nantes Fonds Dobrée 8  Z 870

« En redescendant vers les mers du sud, nous pensions capturer des baleines. Nous en avons pris seulement deux fin novembre 1831. Cette pêche est particulière et délicate compte tenu de l’envergure et de la force de ces animaux qui se déplacent en bancs. Les grandes baleines mâles vont généralement seules tandis que les femelles et les baleineaux vont en grands troupeaux ».

« Durant toute la journée les vigies se relaient dans la mâture et guettent les baleines. Celles-ci  se reconnaissent à leur façon particulière de lancer en l’air un jet d’eau, visible par temps clair à la distance de six milles[4].Quand on est aussi près des baleines et que les conditions le permettent, deux canots sont mis à la mer et partent en chasse. Quand un canot arrive près d’une baleine, on lui lance un ou deux harpons ».

1831. Capture baleine.JPG
 Pirogue et baleinier avec une baleine le long du bord, Gravure de Morel Fatio

« Quand les baleines passent ou qu’elles sont trop dérangées, on n’en attrape qu’une et même souvent aucune. Dès que les canots ont tous ferré, ils attaquent à la lance et tuent la baleine aussi vite que possible. Quand la baleine  « fleurit », la mer s’ensanglante, c’est la fin. Mais cela attire aussi les requins…. A cet instant, la tête s’immerge lentement, la baleine se renverse. On l’amarre à tribord, une plate-forme est aménagée au dessus d’elle, des maîtres dépeceurs découpent alors la baleine par de larges bandes de lard. La bande se déroule tirée par un palan. La première bande est déposée sur le pont. On attaque la suivante. La tête fait l’objet d’un traitement particulier, les fanons étant très recherchés[5]« .

« En tant que tonneliers nous avions préalablement préparé les fûts. Deux grands chaudrons en fonte étaient  installés dans une maçonnerie de briques fixée au pont à l’arrière de l’écoutille avant par des épontilles de fer. Sous ce fourneau, appelé fondoir, il y a une citerne que l’on tient pleine d’eau pour empêcher le feu de se propager au pont. La graisse découpée en morceaux est chauffée dans ces chaudrons. Elle fond et se transforme en huile qui était recueillie dans des barils. Notre bilan fut décevant avec seulement 5 fûts d’huile de baleine représentant à peine 6 tonnes ».

 Pirogue et baleinier avec une baleine le long du bord, Gravure de Morel Fatio

« Notre voyage retour fut long. Lors de l’escale à Valparaiso un grand nombre de marins ont déserté, le gain espéré de la pêche étant faible, ceux qui n’avaient pas d’attaches réelles au pays ont préféré rester sur cette terre d’Amérique du sud. Moi même j’étais aussi tenté par cette perspective…

Les gains de notre campagne furent effectivement bien maigres pour un travail de deux années ».

1832 Désarmement4b.JPG
Rôle de bord  Comptes « Le Cap Horn » 1832 -Archives départementales de Loire-Atlantique 7 R 4 / 393

« Payé au 1/120ème j’ai reçu une très faible rétribution de 126, 20 F en plus de l’avance des 200 F au départ ».

1832 Rémunérationb.JPG
Rôles de bord Carnet « Le Cap Horn » 1832 -Archives départementales de Loire-Atlantique 7 R 4 / 393

« Plus jamais je n’ai voulu remettre le pied sur un navire baleinier contrairement à Joseph Pétard qui a repris la mer à deux autres reprises et qui est désormais installé à St Yago[6] au Chili d’après les marins que j’ai pu rencontrer de retour de la campagne du navire La Joséphine… » 

1833. a Joseph Pétard Marin.JPG
Matricules marins -Archives départementales de Loire-Atlantique 7 R 4 / 1108

Ainsi il y a peut être des descendants Pétard au Chili, mais c’est une autre histoire….


[1] Thomas Dobrée meurt le 14 décembre 1828, mais sa veuve et son associé, Frédéric de Coninck, poursuivent ses projets, et en particulier l’acquisition pour 54 000 F d’ « une des plus belles unités de la flotte bordelaise du temps le « La rose », qui appartenait à la Société Balguerie. Rebaptisé le « Cap Horn », ce bâtiment de 717 tonneaux, explicitement destiné « à se porter sur les côtes de Californie ». Note Baleiniers français en Californie (1825-1848) Annick Foucrier Revue d’Histoire Moderne & Contemporaine Année 1990 37-2 pp. 239-252

[2] Parmi les capitaines baleiniers les plus habiles du port de Nantes, figuraient le capitaine Thébaud. Ce dernier, qui commanda l’Amélie et le Léandre, fut le premier capitaine nantais qui forma un équipage baleinier exclusivement composé de marins français. Désireux de connaître à fond son métier, il se fit successivement timonier de pirogue, loveur de ligne, harponneur. Il acquit une telle réputation d’adresse qu’il ne fut plus connu que sous le nom de Thébaud Baleine. Dans Madek, livre Horizons

[3] Note Baleiniers français en Californie (1825-1848) Annick Foucrier Revue d’Histoire Moderne & Contemporaine Année 1990 37-2 pp. 239-252

[4]  11 kilomètres

[5] Extraits conférence Michel Roynard.

[6] Santiago aujourd’hui

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