Georges VIVANT et la culture du tabac à St Julien

1934.

« Cher Clément, j’ai appris cette triste nouvelle… la perte d’un enfant nouveau-né est toujours un drame. Je m’associe à votre douleur, Gabrielle et toi, ainsi que le petit Auguste ! ». C’est par ces petits mots que Georges Vivant, l’ami de Clément introduit sa lettre du 11 octobre 1934. Le deuxième rendez-vous prévu fin octobre au village de Boire-Courant n’a donc pu avoir lieu, alors les deux hommes ont convenu  de se voir avant la fin de l’année.

Le dimanche 16 décembre 1934 Clément se rend seul chez son ami Georges qui s’enquiert aussitôt de la santé de Gabrielle… Ce à quoi Clément répond simplement « qu’elle est très fatiguée ! »

Georges est attablé et met la dernière main à un  article pour le bulletin du syndicat des planteurs de tabac : « Le temps de la livraison de cette deuxième saison de tabac est proche et on m’a demandé de préparer une note pour notre journal de la semaine prochaine » ajoute Georges.

Présentant à son ami un lot de feuilles de tabac, Georges montre le travail en cours sur cette culture : « voici ce qu’on appelle une « manoque » mon cher Clément. Nous en sommes désormais à la dernière phase de cette culture. Nous préparons actuellement les manoques qui doivent être livrées à l’administration début janvier en gare de Mauves. Le manoquage consiste à désenfiler les guirlandes de tabac séché qui est trié par qualité et longueur. Ensuite par catégorie, nous constituons des manoques de 25 feuilles, la 25ème feuille servant à ficeler la poignée ».

Et Georges de poursuivre : « Avec cette culture très exigeante en temps, nous avons dû depuis deux ans, au fil des mois, prendre connaissance de nouveaux termes correspondant à de nouvelles pratiques culturales après les opérations de semis et de plantation. Les verbes écimer, ébourgeonner, épamprer, effeuiller font partie désormais de notre vocabulaire. Nous avons appris ensuite à procéder aux opérations de séchage et d’enfilage des guirlandes de tabacs avant de confectionner ces fameuses manoques et les mettre en balles ».

Présentant à Clément un dossier marqué « culture du tabac », Georges poursuit ses explications. « J’ai pu enregistrer l’ensemble des techniques, les tâches et les temps passés pour chaque opération afin d’étudier la rentabilité de cette culture ».

Cahier d’enregistrement des opérations de semis de tabac de Georges VIVANT en 1934

« Il faut semer les graines dans un châssis étanche chargé d’un terreau de bonne qualité. La graine est vraiment minuscule et il faut utiliser du sable avec un peu de cendre tamisée pour bien maîtriser le semis ».

Cahier d’enregistrement des temps de travaux du tabac de Georges VIVANT en 1934

« Deux à trois mois après le semis, vers la fin mai,  on effectue la plantation des plants sur une terre préparée. Cette préparation consiste d’abord en un labour profond à l’automne précédent d’un sol abondamment couvert de fumier. Puis, avant la plantation, on ameublit le terrain tout en y ajoutant un peu d’engrais et les insecticides pour détruire les courtilières. Les conseils de traitement de mon ami FAIVRE nous sont précieux en la matière ».

Les deux hommes se dirigent  ensuite vers le séchoir pour y voir les guirlandes de tabac en attente d’être  « manoquées ».

Georges VIVANT dans son séchoir à tabac en bas

« Qu’en est-il de M. Robert, l’inspecteur des tabacs ?»  questionne  alors Clément ; « on a dit qu’il était très présent dans la vallée à l’époque des plantations ». « En effet » répond Georges « il a fait le tour des parcelles de la vallée comptant chaque pied de tabac d’où la nécessité de remplacer ou déclarer les plants défectueux ». 

M. Robert au premier plan à droite

« Afin de faire prospérer les feuilles qui seront ensuite prélevées on pratique l’écimage, c’est-à-dire qu’on coupe la tête du plant à une certaine hauteur. Puis on laisse 9 feuilles. Cette action permet de  rallonger les feuilles et favorise la maturation. L’inconvénient de cette opération, que l’on effectue l’été, c’est qu’elle provoque le développement de bourgeons à la base de la feuille qui consomme la sève. Pour y remédier on procède alors à un ébourgeonnage manuel ».

Cahier d’enregistrement des temps de travaux du tabac en 1934 et Georges VIVANT dans son champ de tabac des Garennes.

« Dans le même temps on procède aux opérations de cueillette. On commence par effeuillerles feuilles basses, 3 feuilles par pied seulement. On les met en toile des sacs en toile de jute disposés sur la charrette puis on les rentre rapidement sous le bâtiment d’enfilage pour que le tabac ne fermente pas. Les trois feuilles médianes sont prélevées environ quinze jours plus tard puis deux semaines ensuite et les feuilles de tête en dernier. Pendant cette période Monsieur Robert, le vérificateur des tabacs, est très présent dans les champs de tabac pour surveiller la cueillette des feuilles médianes et supérieures.

M. Robert inspectant les pieds de tabac chez Georges Vivant

« Débutent ensuite les longues opérations d’enfilage. Une aiguille de 25 cm environ sert à l’enfilage des feuilles sur une ficelle de chanvre pour favoriser le séchage. Les guirlandes de 50 ou 60 feuilles dont  la nervure est toujours du même côté sont montées au bout d’un bâton et pendues en équilibre sur un madrier ».

Opérations d’enfilage de tabac dans le séchoir

« Pour cette mission toute votre famille doit être mise à contribution » questionne Clément. « En effet » répond Georges en présentant à Clément un ancien journal du syndicat de l’an passé « le journaliste est passé prendre un cliché de la famille lors de l’enfilage des feuilles de tabac en octobre».

Bulletin du syndicat des agriculteurs de Loire-Inférieure du 14 Octobre 1933 – Centre d’histoire du travail Nantes

Clément identifie en effet au centre de la photo Marie Plessis, la mère de Georges, Alexandre son  père se tenant à côté de Georges debout ; le photographe lui a coupé la tête. A droite il reconnaît Marie Gallon, une journalière, et Nini, la sœur de Georges. 


Un grand merci à Michèle et Georges VIVANT pour leur témoignage, la transmission des écrits, photos et documents de Georges VIVANT père qui ont permis de construire et d’illustrer ce récit.

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