Auguste HIVERT et son parrain Alexandre PETARD

1915.

Début 1915, Auguste HIVERT est en fin de convalescence à Saint Malo après sa blessure reçue sur le front de Chalons.

Le mardi 12 janvier 1915, Auguste envoie sa dernière lettre de St Malo à son oncle maternel qui est aussi son parrain, Alexandre Pétard. Il signale que le médecin lui a donné un bon de sortie pour le jeudi 14 : « C’est donc la dernière lettre que je t’envoie d’ici. J’espère être à Saint-Julien dimanche prochain 17,  je regretterai sans doute le temps passé ici. Il adviendra ce qu’il pourra ensuite… »

Alexandre, qui stationne encore à l’époque à Nantes dans son régiment du 51ème d’artillerie, lui répond le 2 février 1915 : « Le détachement dont je dois faire partie se compose de 80 hommes environ et doit quitter Nantes d’ici quelques jours à destination de Creil, dit-on. Ensuite, que font-ils de nous on n’en sait rien !  L’ordre porte que nous sommes destinés à la réparation des lignes téléphoniques, c’est un peu vague et pas trop rassurant. Pour moi tu sais qu’en temps ordinaire j’ai le caractère un peu insouciant. Je crois qu’il en sera toujours ainsi,  quoique en ce moment ça me donne tout de même à réfléchir !

Nous espérons avec le printemps que les taches vertes s’agrandiront et que nous pourrons l’été prochain fêter ensemble la victoire et la paix et  profiter à leur juste valeur des douces joies de la famille et du chez soi… ».


Les deux hommes s’apprécient. Leurs échanges de courriers ont débuté quand Alexandre a fait son service militaire à Pontivy dès 1900. Il avait alors 20 ans et Auguste 8. Pendant ces presque 3 ans de service, de novembre 1899 à septembre 1902, Alexandre évoque son activité au 2ème régiment de chasseurs de Pontivy et sa nostalgie de la Guilbaudière.

Lettre de Pontivy de mars 1900 et portrait d’Alexandre en uniforme du 2ème régiment de chasseurs
Lettre de Pontivy d’août 1900 et carte postale  du 2ème régiment de chasseurs

Plus tard cette correspondance se poursuivra entre Auguste et son parrain ainsi que ses deux filles nées de son mariage avec Marie Célestine PESNOT du Loroux- Bottereau le 21 mai 1905. 

Marie Julia et Léontine Pétard en 1914
Lettre du 29 décembre 1914 d’Auguste à ses petites cousines

Généalogie Pétard

Mais revenons en février 1915. Alexandre découvre alors le front et stationne à Bertrancourt dans la Somme au cœur d’un site de la guerre dite des tranchées.

« Je suis dans un pays qui a été envahi par l’ennemi au début de la campagne mais les petits bourgs où j’ai séjourné jusqu’ici n’ont pas subi les horreurs de l’invasion proprement dit, car les hordes teutonnes  n’ont fait ici que traverser le pays sans l’occuper de façon effective. Notre rôle ici pour le moment est de réparer les lignes téléphoniques arrière des lignes d’artillerie », écrit Alexandre à son neveu le 24 février 1915.

Auguste, après un mois de convalescence au Port-Egaud retrouve sa caserne du 77ème régiment de Cholet. Le 9 mars il reçoit une nouvelle lettre de son parrain.

Fin mars Auguste repart sur le front et  le 13 avril 1915, il écrit à son parrain une lettre de Bouquemaison dans la Somme également : « Tu sais que j’ai rejoint mon nouveau régiment lorsqu’il se trouvait à l’arrière pour un mois j’ai parcouru avec lui les plaines des Flandres entre Dunkerque et Poperinge,  puis les régions accidentées de l’Artois. Nous avons cantonné tour à tour pour quelques jours à Zegerscappel, puis  Bouquemaison, après une très longue marche de plusieurs jours.

Hier j’ai eu sept lettres. J’en ai ouvert une aussitôt de Clément qui m’apprend que Pierre est à l’agonie atteint d’une pneumonie double et qu’il n’y a plus d’espoir de le sauver. J’en ai ouvert fiévreusement une autre qui m’a rassuré un peu… Il y a un léger mieux le médecin conserve un peu d’espoir.

J’ai bien souffert physiquement pendant ces marches mais ce n’était rien envers la douleur morale que ressentent mes parents. Comme je voudrais être auprès d’eux, Papa manque d’énergie je dois faire pitié avoir il m’a écrit deux lettres dont la dernière  plus rassurante… Maman a plus de courage mais quelle que soit l’issue de la maladie la dépression physique viendra après et je crains bien qu’elle ne tombe aussi malade.  J’ai relu deux fois ce matin les lettres que j’ai reçues hier et je n’ai pu m’empêcher de pleurer à chaudes larmes en les lisant…. »

Les lettres des deux hommes se croisent car Alexandre écrit de Bertrancourt le 20 avril : « Je ne sais pas si tu as bien reçu ma lettre où je parlais longuement de la maladie de ton frère Pierre. Je préférerai que non car elle n’était pas gaie. Heureusement que les prévisions du médecin ne se sont pas réalisées et qu’il est à peu près bien maintenant. J’ai reçu tantôt une lettre de la Guilbaudière me disant que tu avais écrit de la Somme. Ainsi nous avons été voisins, il est probable que nous ne le sommes plus. »

En effet le 24 avril Auguste et ses camarades sont ramenés en autobus en Belgique à proximité de Poperinge. Le 26 avril il se trouve en tranchée de 2ème ligne afin de contrer une percée allemande près du ruisseau de l’Yperlée au nord d’Ypres en Belgique. Les combats sont terribles….

Le 27 mai Alexandre lui envoie à nouveau un courrier de Bertrancourt : « Depuis un certain temps il est question d’une attaque de notre part dans la région déjà au moment où tu es venu dans la Somme il était question de cela mais rien ne s’est produit ! Peut-être l’offensive allemande sur Ypres a-t-elle retardé la nôtre. Dans tous les cas il y a ici des préparatifs très sérieux en ce moment et on considère la bataille imminente… ».

 Le 3 mai Auguste est blessé par un éclat d’obus au bras droit et immédiatement évacué vers Dunkerque puis l’hôpital de Laval.

Lors de cette convalescence le 20 mai, Auguste envoie un message à son parrain et délivre son sentiment sur cette  guerre…

De son coté Alexandre, comme un écho à ce courrier lui décrit non sans humour les conditions de sa mission à Bertraucourt.

 « Nous sommes dans un abri blindé bien recouvert de terre et de trois couches successives de gros troncs d’arbre près de nos pièces à 5 km environ des premières lignes “boches”. Je suis là comme Grand Directeur d’un service central téléphonique à 12 directions sans compter les branchements…

Ce n’est pas tout à fait une sinécure car nous avons ici pas mal de communications. Dans la nuit nous ne pouvons pas dormir tranquille car il arrive quelquefois que notre maudite armoire sonne fréquemment. Mais personne ne nous embête sauf quelques impatiences d’officiers au bout du fil quand les communications ne sont pas données assez tôt à leur gré. Je ne croyais pas venir à la guerre pour remplir les fonctions de demoiselles du téléphone. Je me console en disant que ce sera pour moi une position sociale après la guerre. Qu’en penses-tu ? D’ailleurs si le métier comporte des désagréments  il y a des compensations; nous entendons ici des communications intéressantes entre officiers, parfois aussi des bobards impayables…

Je vois que ta santé est un peu ébranlée. Pierre non plus ne se remet pas bien vite. C’était un peu à prévoir après la rude secousse qu’il a eu dernièrement.  Clément, lui, va faire un cultivateur émérite car il joint à l’intelligence la force et le courage ce qui n’est pas à dédaigner… 

Le temps est beau et chaud par ici en ce moment. Il paraît qu’à Saint-Julien les orages sont fréquents et que la récolte de vin est compromise par le mildiou. C’est une calamité jointe à tant d’autres mais ce n’est pas la pire ».

Mais ce n’est que le 2 juillet 1915 qu’Alexandre évoque avec lui la bataille d’Hébuterne

« Dans le secteur d’Hébuterne, Colincamps,  Mailly  nous avons passé de chaudes journées  et il peut bien se faire qu’elles se renouvellent. Elles nous ont causé de très nombreuses pertes…

À ce propos je te confie ce que je considère encore comme un secret :  il y a quelques jours le lieutenant, notre chef de service, m’a dit qu’il m’avait proposé pour la croix de guerre avec citation à l’ordre du corps d’armée en même temps que plusieurs autres de mes camarades pour ma conduite pendant l’attaque…

Je ne suis pas plus fier pour cela. Ce n’est pas ce que j’avais rêvé mais je crois que ça suffit pour te fixer sur mon genre d’occupation. Il est vrai que malgré le danger mon sang-froid ne m’a jamais abandonné. J’ai fait ce que j’ai pu, vu les circonstances, et malgré les idées que tu connais, je considérais ce que j’ai fait comme mon devoir. Tout ce que je souhaite c’est de ne pas avoir l’occasion de recommencer ». 

Extraits du carnet de guerre d’Alexandre et sa croix de guerre

Les deux hommes échangeront tout au long de la guerre jusqu’à la disparition d’Auguste dans les tranchées du Godat dans la Marne.

A suivre

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