Julien Pétard et Françoise Peigné de la Séneschalière

1797. Fermiers de la baronne du Gué au Voyer à Saint Julien de Concelles

En 1797 le calme revient peu à peu dans le canton car le directoire qui dirige alors le pays proclame l’amnistie et le retour de la liberté religieuse[1].   

Joseph HYVERT a 63 ans. Il se dit fatigué et participe de moins en moins aux travaux des champs. Il a laissé la métairie à Joseph et Noël et habite désormais dans une pièce au village de la Communauté distant de 200 mètres du village de la Sangle.   

A la satisfaction de la population cantonale, la foire de Saint-Barthélemy est rétablie et a lieu le 7ème jour de chaque mois dans la commune.

Archives départementales de Loire-Atlantique L 312

C’est à cette occasion, au mois de septembre 1797, que Joseph rencontre à nouveau Julien Pétard qui lui raconte par le menu sa vie familiale et ses relations avec sa bailleresse Antoinette Marie Rousseau des Fontenelles, veuve de Messire Nicolas Jean Damien de Chandenier, seigneur du Gué-au-Voyer et de la Séneschalière…

Julien Pétard et la baronne du Gué-au-Voyer et de la Séneschalière,

2ème partie de 1778 à 1790

Mariage le 24 novembre 1778 avec Françoise Peigné

Julien se marie donc avec Françoise Peigné de la Chapelle Basse Mer la même année que Marie Magdeleine, la seconde fille de Damien de Chandenier (voir chapitre précédent).  

Le mariage de Julien se déroule à St Julien le 24 novembre 1778 en présence des seules mères des époux : Jeanne Rousseau et Anne Boulet.  Le père de Françoise a disparu trois ans plus tôt et celui de Julien Gabriel est décédé le 7 juillet 1766, Julien n’avait que 13 ans. Julien a 27 ans et Françoise 24.

Mariage Saint-Julien-de-Concelles France Sources: Actes – SJ – BMS – 1778
Le 24 novembre 1778, après trois publications de bans canoniquement faites et sans opposition au prône des grandes messes, tant de cette paroisse que de celle de la Chapelle Basse Mer, comme il est constaté par le certificat nous donné en date du 23 des présents mois et an, signé DERENNES vicaire ont été par nous soussigné, admis à la bénédiction nuptiale, Julien fils majeur de feu Gabriel PETARD et de Jeanne ROUSSEAU, ses père et mère, originaire et domicilié de cette paroisse d’une part ; et Françoise, décrétée de justice par la juridiction de L’ Epine Gaudin, fille mineure de feu Jean PEIGNE et d’Anne BOULET, ses père et mère, originaire et domiciliée de la paroisse de la Chapelle Basse Mer, d’autre part, le décret en date du 5 des présents mois et an, signé VIVANT greffier. Et ce en présence de Julien PETARD, oncle de l’époux, Jules, Constantin PETARD, son frère, Antoine PEIGNE, oncle de l’épouse, et Joseph PEIGNE, parent au même degré, qui ne signent, hors les soussignés [J. PEIGNE].

La famille Peigné était ravie de la présence lors de la cérémonie d’Aimé RIVIERE DE LARTUZIÉRE des HÉROS, notable de la Chapelle Basse-Mer, docteur en médecine de la faculté de Montpellier[2] qui a tenu à apposer sa signature sur le registre du mariage.

Demande de cession de patrimoine au profit de Julien Pétard et Françoise Peigné en 1779

Quand ils se marient Julien et Françoise ne possèdent rien en propre. Le couple n’a aucun bestiaux, ni matériel, charrette et charrue, tout appartient à la mère de Julien, Jeanne Rousseau, veuve de Gabriel Pétard, le patrimoine étant en indivis avec Julien Pétard son beau-frère fermier en « société » dans la même métairie. Ce dernier en possède la moitié avec sa belle-soeur.

Sur la demande de Julien, sa mère a donc accepté de lui céder la moitié de sa part « la portion de tous lesdits bestiaux, charrettes, charrue et autres biens de la société…».  

C’est ainsi que le 13 septembre 1779, ils se sont tous rassemblés  à la métairie de la Séneschalière autour du notaire Pierre-Marie Phélippes avec Pierre Bagrin du Bois Chef et Pierre Bonnaud de Fort-Ecul, tous deux laboureurs à bœuf et désignés comme experts priseurs. Joseph connait bien Pierre Bagrin qui n’est autre que l’oncle de sa femme, Marie, marié à Jeanne Pétard.

Etude Jean Baptiste PHELIPPES, notaire à Saint-Julien-de-Concelles – Archives départementales de loire-Atlantique 4 E 15/55

Le patrimoine de la « société » se composait alors de six bœufs avec leurs jougs et courroies, de cinq vaches et trois veaux d’an an, de deux juments, de deux charrettes, d’une charrue, d’une barre d’attelage, bride, selle et autres équipage,  du bois d’émonde… Pour le quart, la part estimée de Julien et Françoise, a été « prisée » par les experts à 440 livres.

Joug de bœufs

Auparavant lors de la succession de Gabriel leur père, chaque frère et sœur de Julien s’est trouvé bénéficiaire de 300 livres dans le compte de tutelle. Julien a donc dû s’acquitter de la somme de 140 livres à sa mère. « Ce dernier la présentement réellement, devant nous notaire, payer et compter aux mains de la dite veuve Pétard qui l’a prise » précise l’acte

Extrait cadastre Napoléon de 1808 avec le village de la Séneschalière (Sénéchalerie) section C St Julien Archives départementales 44

Mais c’est seulement à la mort de sa mère en 1782, que Julien devient le référent de la métairie et fermier d’Antoinette Marie Rousseau des Fontenelles veuve Damien de Chandenier. A la même époque René, son cousin de 12 ans son cadet, avec Julienne Coutant son épouse, prend sur cette même métairie la succession de son père. Les deux couples travaillent donc ensemble sur cette ferme qui se compose d’un logement en deux pièces, d’une étable, d’un jardin, de terres labourables, de deux gaulles de prés et patureaux pour les bœufs et de quelques arpents de vignes.

Selon le bail à ferme signé précédemment par sa mère et son oncle avec la baronne les couples sont tenus d’entretenir les logements et  fournir de tuiles, lattes, clous, chaux et sable nécessaire pour l’entretien et même fournir et changer les carreaux de bloc pour le four attenant à la maison.

De plus,  ils doivent « bien labourer, graisser, cultiver et ensemencer des terres ensemencées en bon grain…, éliminer les présences d’épines, ajoncs, bruyère et taupinières, de tenir le tout bien clos enfermé de leurs haies et fossés, de planter et élever tous les ans le nombre de vingt pieds d’arbres, soit frênes, chênes, ormeaux ou saules… »

Mais ce qui irrite Julien c’est que la bailleresse peut faire abattre sur la dite métairie la quantité d’arbres qu’elle souhaite pour son bois de chauffage. De même les amis de la baronne ne se gênent pas pour chasser sur les terres de la métairie sans prendre toujours soin des cultures en place.

Julien et son cousin René sont tenus de faire moudre leur grain au moulin de la seigneurie qui est à Cahérault, à une heure de charrette de la Séneschalière  moyennant une redevance à la baronne de 1/20ème du produit moulu.

Extrait cadastre Napoléon de 1808 avec le village de Cahérault – Section C St Julien Archives départementales 44

Renouvellement du bail en 1790

Le 15 avril 1790, les deux parties se retrouvent pour signer un nouveau bail de 7 ans.

Archives de Loire-Atlantique 4 E 15/55 Ferme de 7 ans  par dame Antoinette Marie Rousseau des Fontenelles, veuve de Messire Nicolas Jean Damien de Chandenier, à Julien et René Pétard et enfants.

Le bail a ferme de 7 ans a été conclu ce 15 avril 1790 sur une base de 650 livres « tournoi », auquel il a fallu ajouter 8 journées de charrois à 5 livres chaque [3]. Même si Julien fit baisser les prétentions de la bailleresse cela représentait tout de même une augmentation[4] de plus de 120 livres par rapport au bail précédent.

A cette occasion, Julien explique à Joseph qu’il aurait bien voulu également supprimer les exigences de corvées dues à Mme la baronne. Hélas cette dernière a insisté, comme pour ses autres fermiers, sur le maintien de cette clause comme le stipule le nouveau bail « « Seront tenus de faire chacun an et à leurs frais et sans espoir d’aucuns salaire en nombre, huit journées de charrois[5] pour le compte de la dame bailleresse. Lorsqu’elle le requerra  il pourra être employé à tel ouvrage, la voiturer quand bon lui semblera. Lesquelles journées, si elles sont demandées… les preneurs seront tenus de commencer leur service et se rendre à six  heures du matin au château et à sept heurs du soir… Et au cas où ne ferons pas le nombre de journées s’y dessus dit, ils paieront celles restantes chacun an, cent sole chaque[6] ».

De même, les couples Pétard devront « payer sans diminution du prix ci après les soldes, les fouages ordinaires, et extraordinaires et autres subsides de cette nature arrêté, arrêté en cet endroit que si la dîme[7] venait à être supprimée, en ce cas, les preneurs seront tenus et obligés d’en tenir compte à la dame bailleresse et lui en payer la valeur annuellement soit en nature ou en argent, suivant ce quel jugera convenable »  

Pourtant Julien s’est battu, avec d’autres au sein du Général qui gérait les affaires de la paroisse, pour que le poids des impôts n’affaiblisse pas encore le revenu du fermier.  Julien explique à Joseph qu’au printemps 1787 il a signé une délibération pour éviter d’être imposé sur les vignes à complant.

Julien cultive 5 hommées[8] de vignes à complant avec  Pierre Letourneux du Loroux Bottereau, propriétaire de la terre. Julien appelé complanteur[9] ou colon assure la plantation de la vigne, sa culture et son entretien et doit fournir la moitié de la vendange.   

Mais point n’est question de payer, lods, francs-fiefs et centième denier, impôts qui reste à la charge du propriétaire, comme certains d’entre-deux le souhaitaient en ces années 1780. 

Les Vignes à complant devant la raison et devant la loi – Etude sur la législation du contrat de complant depuis le XIIe siècle jusqu’en 1909, par Gaston Robert- Bibliothèque nationale de France  

De même Julien a été un des acteurs majeurs des cahiers de doléances de St Julien de Concelles demandant, entre autres, une moindre pression fiscale.

En effet, tout juste deux ans, ensuite, le 1er avril 1789, comme Joseph HYVERT à la Chapelle Basse Mer, Julien s’est réuni avec 68 autres concellois dans la sacristie de l’église autour de l’écriture du cahier de doléances. Antoine-Marie Tiger, procureur fiscal du Gué au Voyer et de la Sénéchalière mène les débats alors que Jean Baptiste Phélippes, le notaire est secrétaire de séance.

Cahier de doléances de St julien de Concelles-Archives départementales de Loire-Atlantique, C 575, page 1

Les revendications vont bon train, en débutant par l’urgence des digues à établir afin de mieux canaliser les inondations de la Loire. Il faut dire que les inondations l’hiver sont régulières et font beaucoup de dégâts.

Carte de Cassigny de St Julien de Concelles au 18ème siècle-IGN geoportail.gouv.fr

Quand à la corvée des grands chemins l’assemblée était unanime pour dire qu’elle ne concerne en rien les habitants et est purement un gaspillage de temps et d’énergie, d’autant que les tâches à effectuer sont situées au-delà du fleuve pour travailler sur la route d’Ancenis[10].

Julien était l’un de plus véhément en réclamant comme d’autres l’allègement des impôts et la surpression du franc fief. Ce message a semble t’il eu un écho favorable au sein de l’assemblée.

Extrait article 2 du cahier de doléances de St julien de Concelles  Archives départementales 44

Cultivé, Julien Pétard est l’un des dix présents à signer ce cahier de doléances à côté de Paul RINEAU, le futur beau père de Noël HYVERT.

Dernière page du cahier de doléances de St julien de Concelles – Archives départementales de Loire-Atlantique, C 575


[1] Loi du 24 aout 1797

[2] Ephémère maire de la Chapelle Basse-Mer de 1791 à 1793.

[3] Baux ruraux et dissimulation fiscale en Anjou au XVIIIe siècle  Claude Chereau ; https://www.persee.fr/doc/abpo_0399-0826_1976_num_83_1_2800

[4] Les cahiers de 1789 le montrent nettement. Ce qui aggrava encore la condition des fermiers, ce fut la hausse très rapide du prix des fermes, surtout dans la seconde moitié du siècle. Il est vrai que, dans la même période, les prix des denrées s’élevèrent aussi ; mais ce n’était qu’une compensation insuffisante, car, tandis que la hausse des prix n’était que de 40 ou 50 %, les fermages souvent s’élevèrent de 100 % ; les propriétaires parvinrent ainsi à accroître notablement leurs revenus. Henri Sée La France économique et sociale au XVIIIe siècle p. 167

[5] Transport par charrette ou tombereau

[6] 5 sols (soit 0,25 livre) 100 soles correspondent donc  à 5 livres.

[7] La dîme : Redevance due au clergé Il s’agit des prélèvements sur les récoltes. Les dîmes doivent servir à l’entretien des curés et des besoins de l’église dans chaque paroisse. En fait les dîmes entretenaient le haut clergé, les curés de paroisse devant se contenter d’une petite portion. La dime est abolie  par un décret de l’assemblée nationale du 11 août 1789.

[8] Superficie d’une parcelle de vigne susceptible d’être taillée par un homme en un jour.

[9] Couramment désigné sous le nom de « vignes à complant », le Bail à Complant est une forme spéciale de bail par lequel le bailleur cède au preneur, appelé « Complanteur » ou « colon » la jouissance d’un terrain à charge pour lui d’y planter en vignes ou de continuer la culture s’il porte déjà un vignoble et moyennant l’obligation de livrer chaque année au bailleur une part de récolte.

[10] Cahier de doléances de St julien de Concelles, commentaire Philippe Bossis, Archives départementales de Loire-Atlantique, C 575


Aujourd’hui

Sur les traces de Julien Pétard à St Julien de Concelles

Le moulin de Cahérault

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