1933.
Fin juillet 1933, Germaine et Jean-Marie PÉTARD reçoivent une carte postale de leurs enfants en vacances à la mer. Albert PLACIER, l’oncle des enfants et prêtre a pris la photo sur la plage du Croisic, l’a fait tirer puis expédié à la Chapelle Basse-Mer.
Armand PÉTARD, l’aîné des enfants, accompagne cette photo d’un petit mot au nom de la fratrie.

Germaine et Jean Marie, mariés en 1924, ont effectivement cinq enfants depuis la naissance de Marie née le 14 juin 1931, le jour du drame du St Philibert.
Germaine, la femme de Jean-Marie, née PLACIER en 1898, est la seule enfant d’Armand et de Marie Caroline AUBERT à avoir une descendance. En effet,Marie Joséphine l’ainée, née en 1893 est « sœur de Saint-Gildas ». Armand le fils cadet, sabotier comme son père, est mort sur le front de la Marne en juillet 1918, il avait 23 ans.
Enfin, Albert né en 1905 et ordonné prêtre en 1931, est instituteur et vicaire à Vigneux de Bretagne en cette année 1933.

Jean, le cadet de la famille PÉTARD, se souvient de ces vacances au bord de la mer.
« Avec les parents on allait quelques fois voir notre oncle Albert, vicaire à Vigneux de Bretagne. Là nous avons rencontré la famille DENIAUD. Marie DENIAUD a été veuve très tôt. Albert a apporté son appui à la famille et s’est occupé de l’aîné des enfants, Jean, qui était grabataire.
Le père était marchand de porcs, la famille était un peu aisée et la famille DENIAUD avait une maison au Croisic. C’est ainsi qu’on a pu bénéficier de vacances à la mer grâce à notre oncle durant quelques étés. Nous étions encadrés par notre grand-mère PLACIER car bien sûr, avec les travaux d’été, nos parents n’étaient pas disponibles. Nous avons passé de bons moments ensemble avec Armand DENIAUD, qui né en 1922, avait 4 ans de plus que moi, ainsi que sa sœur Marie-Anne que l’on appelait Mimi.
Armand DENIAUD était débrouillard et bon vivant. Avec sa sœur il est venu plusieurs fois en vacances chez nous à la Saulzaie à la Chapelle Basse-Mer. En tant qu’aîné, il avait il était un peu le chef de bande de notre petite colonie car on invitait d’autres cousins comme Auguste HIVERT. On lisait « Cœurs vaillants », on faisait des jeux liés au scoutisme. On jouait aussi aux cowboys et aux indiens. On faisait des tipis avec des vieux draps. Des fois on passait même la nuit dans le foin.
On était un peu impressionné par le culot d’Armand DENIAUD. Par exemple en 1935, en vacances à la Saulzaie, il souhaitait poursuivre le séjour chez nous. Il a donc envoyé un télégramme à sa mère en prétextant qu’il avait loupé son car !
Puis nos rencontres se sont espacées. Il a fait ses études au collège d’Ancenis. Il s’est engagé très tôt en 1940 dans les Forces Françaises Libres et a rejoint De Gaulle à Londres, puis il a fait partie de la deuxième Division Blindée. Du haut de mes 14 ans, je trouvais que mon ami d’enfance était un jeune homme extraordinaire.
Je ne l’ai revu que plus tard une fois après la guerre. Lors d’opérations militaires il s’était coupé une partie de la main… Il m’a dit aussi qu’après la guerre il avait été instructeur de chars de combat mais sans m’en dire davantage! »
Lors de cette conversation du mois de novembre 2021, Jean a souhaité en savoir un peu plus sur le parcours de son ami d’enfance, d’où la recherche généalogique qui suit.
L’histoire d’Armand DENIAUD
D’abord une recherche sur les sites FILAE et GENEANET nous apprend qu’Armand Jean-Marie Damien DENIAUD est né le 05 janvier 1922 à Vigneux-de-Bretagne et qu’il est décédé le 30 avril 1999 au Croisic à l’âge de 77 ans.
Son père Jean-Marie Joseph DENIAUD est né le 6 mai 1879 à Vigneux-de-Bretagne. Il a épousé le 27 octobre 1908 toujours à Vigneux-de-Bretagne Marie Anne Jeanne Esther COUTANT, née le 10 janvier 1891.
Mais pour en savoir plus, il faut aller consulter les registres de recensement de la commune de Vigneux-de-Bretagne. On y découvre qu’en 1921 le couple DENIAUD-COUTANT habite dans le bourg et qu’il vient d’avoir un premier enfant, plus de 10 ans après leur mariage, Jean, né en 1920. Le père est marchand de porcs, ce qui a fait à dire à Jean PÉTARD « que la famille était un peu bourgeoise …».
Jean-Marie DENIAUD meurt en 1925 à 46 ans.

Marie DENIAUD-COUTANT reprend l’activité de son mari et élève seule ses 3 enfants, Jean, Armand et Marie-Anne DENIAUD.
Armand, après l’école primaire suivra des études au collège. Avait-il une prédisposition pour les armes ? Toujours est-il qu’à 14 ans il se distingue au concours de tir local.
A 20 ans, le 18 juin 1940, Armand rejoint l’Angleterre avec trois de ses camarades du Lycée Saint-Stanislas de Nantes : André LE ROUX, Maurice BARBIER et Pierre-Sylvain CROSNIER. « On n’aurait pas supporté de voir des étrangers chez nous » rapporte son ami Pierre CROSNIER dans un article du journal Ouest-France du mercredi 16 juin 2010. Les étrangers ce sont les Allemands qui sont en train de s’installer dans la France occupée.
Il ajoute : « nous avons sauté à bord d’une De Dion Bouton pour rejoindre le port de Brest puis filé sur les routes en passant par Redon, Malestroit, Ploërmel, Pontivy, Huelgoat, Landerneau… On est arrivés à Brest vers 22 h. Le port finistérien était en feu, les rues désertes, les sous-marins coulaient dans la Penfeld, mais dans le deuxième bassin, un remorqueur, une petite Abeille, a bien voulu nous embarquer. Il devait y avoir 120 personnes sur ce bateau ! On était bien tassés… heureusement ! Nous n’avions que des tenues de printemps, on aurait eu froid, sinon ».
Les quatre garçons, comme des centaines d’autres, posent le pied sur le sol anglais : « À Plymouth. Il y avait des centaines de petits bateaux. Les Anglais faisaient débarquer seulement lorsque nous avions un logement». Les garçons rejoignent ensuite Anerly school, une école désaffectée, centre de réfugiés de France.

de combat du général de Gaulle (1940-1945) de Pierre Quillet
Les garçons rejoignent rapidement Aldershot, « un camp militaire équipé avec du matériel norvégien. Nous, on était vêtus en Britanniques » dit Pierre CROSNIER.
Le 29 août 1940, environ 2 000 hommes quittent le port de Liverpool pour l’Afrique. CROSNIER et DENIAUD font partie de la 1ère compagnie autonome de chars de combat.
Yves Deniaud[1], son fils, que j’ai pu joindre au téléphone en novembre 2021 m’a décrit son parcours ensuite : « Fin août 1940, il embarque sur le Pennland, prend part à l’expédition « ratée » de Dakar et débarque quelques semaines plus tard à Douala au Cameroun, puis au Gabon. Il 1941 Il participe aux opérations de Syrie en juin-juillet 1941 puis à la campagne de Libye et la bataille d’El Alamein en octobre 1942 ».
Armand Deniaud est alors radio sur un « Crusader » dans la section du sous-lieutenant Robert Galley. « Il combat ensuite en Tunisie de mars à mai 1943 avec la Colonne volante française libre sur le flanc gauche de la 8e armée britannique », me confirme son fils Yves.
En juin 1943 Armand DENIAUD se retrouve à Temara, au Maroc afin de conclure une formation d’aspirants…

Au mois d’octobre 1943 son régiment rejoint la 2e Division blindée du général Leclerc, réorganisé et rééquipé en matériel américain. Il comprend alors plus de 1100 hommes.
Au printemps 1944, ses camarades de la 2ème DB embarquent pour l’Angleterre où ils parviennent après 10 jours de mer… avant de participer ensuite au débarquement en Normandie en août de cette même année. « Pas mon père qui a eu un grave accident de jeep juste après son mariage fin avril 1944 » rapporte Yves DENIAUD ; « il a été très mal soigné d’un traumatisme crânien causé par cet accident par des médecins vichystes qui étaient en poste à Casablanca à l’époque », ajoute t-il
En effet, Armand s’est bien marié à Casablanca le 13 avril 1944 avec Lucie MELOT, brillante élève quelques années auparavant.
Le père de la mariée, Lucien MELOT, est originaire de la commune d’Indre près de Nantes. Il est comptable et est arrivé à Casablanca au début des années 30 après avoir changé souvent de localité et de ville. On en comprend les raisons à la lecture de son livret militaire.

Ses délits l’ont même accompagné jusqu’à Casablanca.
Yves DENIAUD m’a bien confirmé que son père Armand est bien revenu en France à Saumur à l’automne 1944 « non pas pour combattre mais pour être instructeur dans les chars… Il fallait former les nouvelles recrues à la conduite des chars américains. A cette occasion il s’est également blessé, le ventilateur d’un moteur de tank lui a sectionné trois doigts ».
Yves, lui, est né à Casablanca le 1er septembre 1946. Il ajoute : « Je n’ai pas connu le Maroc durant mon enfance car au mois d’octobre de l’année 1946 nous étions déjà revenus en France. Mon père a travaillé ensuite dans le civil dans une entreprise de transport à Nantes ».
Merci à Jean PÉTARD pour son récit, la transmission de photos et ses encouragements pour faire vivre l’histoire familiale.
Merci également à Yves DENIAUD pour son témoignage qui m’a permis de compléter cette recherche biographique sur son père Armand.
[1] Député UMP du département de l’Orne de 1993 à 2012