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1927.
Nous avions laissé Marie ALLEAU, l’amie de Gabrielle PÉTARD, en 1913, nous la retrouvons ici en 1927.
Gabrielle reçoit le 17 août des nouvelles de son amie Marie.

Cette lettre vient confirmer la nouvelle de son futur mariage : « Avec Henri c’est désormais sérieux nous allons nous marier l’an prochain et sans doute habiter à Paris. Je vais quitter avec regret Madame HERSART de LA VILLEMARQUE et ses enfants dont je t’ai parlé à plusieurs reprises…».
Depuis plus de 10 ans, même si Marie habite désormais à Nantes, elle revient régulièrement à Saint Julien et fait une pause le dimanche chez son amie de la Guilbaudière…
Gabrielle se souvient des premiers récits que Marie lui faisait à la fin de la guerre concernant cette famille noble illustrée par un cahier où elle avait pris soin d’y glisser quelques documents et photos
« Suzanne HARDY, ma patronne est devenue Mme HERSART de LA VILLEMARQUE le 7 février 1910 Orvault en épousant Guillaume. La famille HERSART DE LA VILLEMARQUE est très connue en Loire-Inférieure et particulièrement à Vigneux-de-Bretagne. En effet, au 18ème siècle, les HERSART DE LA VILLEMARQUE y firent l’acquisition du Château du Buron, propriété de la Marquise de Sévigné, qui l’avait, elle-même, achetée aux Rohan ».Georges était un fervent catholique, amoureux de l’ordre et de la patrie avec une passion pour les armes à feu et la chose militaire, même s’il exerçait le métier d’ingénieur agricole ».
« Ce mariage, c’est la réunion de la noblesse régionale et de la bourgeoisie nantaise, Suzanne étant la fille de Jules Hardy, riche propriétaire nantais »
Tournant les pages de son cahier, Marie poursuit son récit : « De leur union un enfant est né chaque année : Guillaume en avril 1911, Isabelle à l’été 1912 et Hervé en juillet 1913. Ces enfants n’ont pas connu leur père car il est décédé au début de la guerre en septembre 1914 dans l’Oise en Picardie. Ils vivent depuis dans le culte de cet homme et des portraits de lui sont accrochés dans toutes les pièces de notre appartement.

Au fil des mois, les deux femmes se rencontrent plus rarement mais entretiennent une correspondance régulière comme cette postale envoyée par Marie le 14 septembre 1919.
« Chère Gabrielle,
Je profite de mon dimanche pour me mettre à jour dans mon courrier. Comment vas-tu ? Comme tu me l’as dit dans ton précédant message tu dois être très occupée avec les vendanges. Jean Marie et ton oncle Alexandre sont sans doute venus te prêter main forte ! Avec le temps qu’il a fait cet été la récolte semble prometteuse. Je t’envoie cette carte postale de la rue du lycée. Comme tu le sais, j’y loge avec la famille de Mme de Villemarqué au 16 de cette rue dans un appartement cossu à proximité de la chapelle de l’Oratoire.
Avec l’automne j’ai repris mes leçons particulières avec mes petits écoliers, Guillaume, Isabelle, Hervé. Après un début difficile cette semaine ils se concentrent mieux actuellement sur les devoirs et la petite commence à bien lire.
A très bientôt chère amie ».
Et de conclure…

Les échanges par lettre se poursuivent au fil des mois comme celle du 26 mars 1921 envoyée par Marie:
« Chère amie,
J’espère que tu vas bien et que l’activité de la ferme te laisse quelques repos. J’ai régulièrement des nouvelles de St Julien. Marie Clémence Ménard la fille de Clément Ménard et de Marie Hivert du Château va se marier à Henri … Ménard du Château début juin. Au moins, elle ne changera ni de village ni de nom. Je pense qu’elle est âgée de 24 ans comme ma sœur Joséphine ALLEAU. Je viens de recevoir une lettre d’elle de Paris où elle est employée comme chimiste. Elle souhaite quitter sa vie professionnelle pour entrer dans les ordres.
Il y a 15 jours désormais j’ai accompagné Madame et les enfants aux obsèques du vicomte plus de 6 ans après sa mort. Une cérémonie très émouvante. Je te joins l’article de journal qui évoque l’événement. J’espère que dans les prochains mois tu pourras venir à Nantes. Préviens moi je serai contente de t’accueillir rue du lycée…
Ta fidèle amie »
Ce n’est qu’en janvier 1922 que Gabrielle de passage à Nantes découvre pour la première fois le vaste appartement du 16 rue du lycée occupé par la famille HERSART DE VILLEMARQUÉ. Reçue par Marie, elle y croise les 3 enfants, Madame et Jeanne Métayer, « la bonne », « qui était déjà présente avant le mariage de Suzanne au château du Raffuneau » précise Marie.
Lors de cette visite Marie évoque avec Gabrielle la vie Madame DE VILLEMARQUÉ qu’elle appelle « Madame Suzanne ». A cette occasion elle ressort son cahier où elle colle photos et articles de sa vie d’alors :« Sa maman Isabelle Gayard est décédée très tôt, des suites de la naissance de son dernier enfant, Madame Suzanne n’avait que deux ans. Malgré cette perte elle m’a dit avoir eu une enfance heureuse d’abord au château de Blain puis au château du Raffuneau. Son père Jules Hardy et ses 3 autres frères et sœurs ont été entourés de sept domestiques. Madame Suzanne m’a parlé avec émotion de Louise Collin l’institutrice de la famille qui a été pour elle une véritable mère. C’est d’ailleurs ce qui l’a incité à me prendre au service de ses propres enfants
« Jules HARDY, le père de madame est un propriétaire très fortuné. Il doit celle-ci sa fortune à sa mère Claudine Marais dont le père Jean Marie Marais a pris le contrôle de la raffinerie Cossé[1] au milieu du siècle dernier. Il a aussi armé plusieurs navires pour les Antilles pour y ramener de la canne à sucre. J’ai ouï dire que ses ancêtres avaient été de ceux qui, à Nantes, avaient participé au commerce triangulaire… mais de cela Madame ne m’en a pas parlé… »À La Perruche », la marque Cossé-Duval a remporte la médaille d’or à l’Exposition Universelle de Paris à la fin du siècle dernier ».
Gabrielle reçoit quelque temps plus tard une brève carte postale datée du 28 mai 1922 de son amie Marie.
« … La rue était bondée hier et nous sommes sortis avec les enfants pour voir passer le père la nation, Georges Clémenceau, qui allait rendre visite au lycée de notre rue où il a fait ses études. J’en ai profité pour faire une leçon aux enfants sur son rôle politique précieux durant la guerre…
Voir rubrique aujourd’hui ci après : Clémenceau à Nantes il y a un siècle.
Des échanges réguliers se poursuivent entre les deux femmes. En décembre 1926, reçoit une longue lettre de Marie. Extraits
« Chère amie… Je reviens à Saint Julien pour les fêtes de Noël et j’espère que l’on pourra se voir… Madame Suzanne supporte mal le départ de son père Jules Hardy que nous avons accompagné à sa dernière demeure il y a 10 jours. Pour moi tout va bien j’ai accompagné Madame chez Mme Jeanne Gouy et sa fille Fernande qui est sa couturière. En accompagnant Madame à l’atelier de couture rue Athénas j’ai fait la rencontre avec un jeune homme qui m’a bien plu, le fils de la couturière. Il s’appelle Henri et je pense que je ne le laisse pas indifférent »...

Mais revenons à l’été 1927.
Gabrielle répond de suite au courrier du 17 août de son amie Marie (voir plus haut).


Je suis ravie de cette bonne nouvelle et je serai heureuse de rencontrer Henri dont tu m’as parlé à plusieurs reprises. Si tu pars à Paris ça va être un peu un déchirement de ne plus se voir mais c’est bien sûr l’amour qui commande !
« Chère amie,
Dimanche, j’ai pu m’extraire des travaux agricoles pour aller l’après midi à la fête de Saint Barthélémy. J’y ai passé un bon moment avec Marie Courgeau. Le défilé des fanfares était impressionnant. Nous avons assisté à des spectacles d’acrobates, les Cabrilini, puis d’illusionnistes avec les Tobellini, et avons bien ri avec les clowns Za et Zeff… Après la retraite aux flambeaux je n’ai pas pu assister au feu d’artifice… Maman n’était pas trop satisfaite de me voir rentrer si tard !
Je t’embrasse moi aussi bien affectueusement,
D’ailleurs à l’occasion de la fête j’ai revu Clément Hivert et on a pu rentrer ensemble. Nos fiançailles se précisent pour l’hiver prochain. Chère Marie, peut être qu’on se mariera le même jour à Saint Julien l’été prochain. Ce serait très drôle !
Ton amie Gabrielle »
Clémenceau à Nantes Il y a un siècle
Stéphane Pajot, journaliste à presse Océan nous fait revivre la visite de Georges Clémenceau à Nantes le 27 mai 1922.

Dans cet article il évoque la présence de Clémenceau au Lycée de jeunes filles de Nantes (futur lycée GUIST’HAU) : « Au petit matin du 27 mai, sa première visite est pour le lycée de jeunes filles de la rue Harouys. Des élèves lui remettent des bouquets de fleurs. Clémenceau leur propose de les déposer sur des cercueils de poilus nantais »…
Patrick CHEVREL, descendant de la famille BRETONNIÈRE, m’a rapporté que « c’est Yvonne, la fille du directeur de l’école publique de garçons de Saint-Julien-de-Concelles, Théophile BRETONNIÈRE, lycéenne alors âgée de 15ans, qui a lu le discours de bienvenue au « Père la victoire » ce jour-là.
La rue du Lycée est devenue la rue Georges Clémenceau suite au décès de ce dernier (Délibération du Conseil Municipal de Nantes du 25 novembre 1929).
[1] La naissance d’une dynastie de raffineurs de sucre au XIXe siècle. Les Cossé-Duval de Nantes (1836-1865) Jacques FIERAIN Annales de Bretagne et des pays de l’Ouest.
Je suppose ce Villemarque descendant du célèbre auteur du Barzaz Breizh. Bonne continuation dans tes passionnantes recherches et à bientôt. Daniel
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Merci beaucoup Daniel pour tes encouragements et tes remarques. Effectivement Théodore Hersart de La Villemarqué est de la même famille que Georges mais les deux hommes n’ont pas de parentalité directe. A très bientôt.
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