Jean-Marie PÉTARD et Clément HIVERT jouent dans la pièce « Michel Strogoff »

1923. Dans les premiers jours de janvier 1923, tous les acteurs de la pièce jouée un mois plus tôt à Saint-Julien se retrouvent à la salle du patronage autour de l’abbé Auguste Saunier pour faire le bilan de l’année écoulée.

Avec Félix PRAUD le metteur en scène, l’abbé est l’artisan principal  de la réussite des représentations théâtrales de  la pièce « Michel Strogoff » qu’ils viennent de jouer à 3 reprises au mois de novembre dernier.

En effet, en mars 1919, l’abbé Saunier est revenu comme vicaire à Saint-Julien-de-Concelles. Le curé PÉNEAU, comme l’ensemble de la population, a apprécié son retour.

Livre de la paroisse de St Julien de Concelles de 1919 – Archives diocésaines 44

En 1915, pour faire face au manque de prêtres durant la guerre, Auguste SAUNIER a été  nommé à la paroisse Saint Martin de Chantenay-lès-Nantes. D’abord réformé, il a été incorporé dans l’armée auxiliaire en 1917. A la fin de la guerre il confiait à son ami Clément sa volonté de revenir à sa paroisse d’affectation : « la vie ici est un peu plus active qu’à Saint Julien, baptêmes, visites de malades, enterrements de plus en plus nombreux ; ça empêche de s’ennuyer et de broyer du noir ! Mais cela n’a pas l’intérêt de la vie avec de braves gens qu’on connaît depuis longtemps et avec lesquels on se sent attachés par des liens d’affection et de confiance ! ».

Drames de la guerre, familles endeuillées… l’ambiance à Saint-Julien, comme partout en France, est pesante. Alors au début de l’année 1921, Auguste Saunier le vicaire propose de rassembler les paroissiens autour d’un projet qui fédère et qui associe la société musicale et la nouvelle société de gymnastique « l’Hirondelle » autour d’un spectacle de théâtre.

Ce projet est d’autant plus possible que la paroisse de Saint Julien grâce à l’action du curé Péneau et l’appui de généreux donateurs, en particulier M. et Mme Paul BINET, propriétaires du château de la Jousselinière, vient de racheter début 1920 le bâtiment du patronage et son théâtre quelque peu dégradé par les ans … à l’ancien curé de Saint Julien, l’abbé BERTAUD !  

Propriété du patronage de saint Julien de Concelles – Archives diocésaines 44

Auguste Saunier et Félix PRAUD soumettent à quelques amis et paroissiens de travailler sur la pièce qui se tourne à Paris : « Michel Strogoff »… Clément HIVERT, Jean-Marie PÉTARD, Clément PRÉAUDEAU, Paul PARIS, Lucien LEFEUVRE, Charles VIAUD, Guillaume BRAUD, Auguste BRELET, Marcel SÉCHER sont sollicités.

Les trois derniers et André SÉCHER, moniteur de « l’Hirondelle », sont plutôt enthousiastes mais beaucoup sont réticents devant l’ampleur du travail à accomplir.

Clément, Jean-Marie et Félix

Auguste Saunier propose alors à certains d’aller à Nantes voir la représentation de la pièce proposée  par l’amicale Saint Clair le dimanche 12 février à 15h30, à l’invitation de son ami l’abbé LOIRE. Félix PRAUD, Charles VIAUD et Marcel SÉCHER, Clément HIVERT et  Jean-Marie PÉTARD sont de ceux-là. Le jour dit, ils prennent le train pour Nantes puis le tram pour se rendre dans le quartier Zola voir la troupe Saint-Clair jouer cette célèbre pièce, à l’affiche depuis plusieurs années au théâtre du Châtelet à Paris. 

Tram vers la place Emile Zola. Collection Pierre LAURENT

La délégation de Saint Julien repart enchantée du spectacle offert et dans le train du retour ils sont unanimes à dire que ce spectacle aurait de la tenue au patronage… tout en restant consciente du travail à accomplir par l’ensemble de la communauté paroissiale.

L’Écho de la Loire du 14 fév. 1922 et L’écho de St Clair du 19 février 1922 – ADLA / Clique St Clair 1920 – associationlasaintclair.com

Satisfaits de leur visite à Saint Clair, Félix, Clément et Jean Marie reviendront même le mois d’après avec Auguste Saunier voir chanter, à la salle de patronage du quartier Zola, Henri Colas et sa femme, spectacle qu’ils ont déjà eu le plaisir d’applaudir à Saint-Julien durant l’hiver précédent.

L’Écho de la Loire du 17 mars 1917 – ADLA
Henri Colas (1879-1968) est un compositeur chrétien français. Il est le chansonnier du Sillon. Ce mouvement promeut depuis 1894 les idées d’un catholicisme social et démocratique de Marc Sangnier (1873-1950) et Henri Colas a mis tout son talent au service de l’action catholique (J.O.C., J.A. C. et les Scouts de France)

Au printemps on s’active à préparer la représentation théâtrale. Dans un premier temps un comité de lecture se forme autour de l’abbé SAUNIER et Félix PRAUD le metteur en scène. Lors de veillées chez les uns et les autres on relit tout d’abord ensemble à voix haute le récit de Jules Verne avant de s’approprier la pièce…

Quelque temps plus tard, Félix PRAUD reçoit, moyennement quelques droits, l’autorisation du théâtre du Châtelet de jouer Michel Strogoff, la fameuse pièce d’Adolphe d’Ennery d’après le roman de Jules Verne. Ce courrier s’accompagne du texte des différentes scènes avec quelques croquis de scènes, de costumes et d’accessoires…

Michel Strogoff, costumes et accessoires de Théophile Thomas – BNF, Gallica

Dès la fin du printemps il faut procéder à la distribution des rôles, commencer la création des décors… La confection des costumes est confiée à Melle MÉNARD, couturière au bourg. Elle s’y emploie avec une équipe de jeunes femmes.

Michel Strogoff, pièce en 5 actes et 16 tableaux / de MM. A. D’Ennery et Jules Verne– BNF, Gallica

Les rôles principaux sont portés par certains gars du bourg ayant plus de prestance comme Marcel SÉCHER, Yaumi BRAUD, Félix PRAUD, Charles VIAUD, Clément PRÉAUDEAU… Clément et Jean-Marie se voient attribuer à leur demande des rôles secondaires comme le capitaine des Tartares et l’aide de camp. André Sécher, le moniteur de « l’Hirondelle » est, lui, chargé de préparer la chorégraphie et les ballets des jeunes garçons.

Plusieurs musiciens de la société musicale sont sollicités pour ponctuer les changements de scènes avec quelques morceaux de musique russe et jouer le concert de l’entracte.

Société musicale de 1921, Collection Mado Praud

L’équipe des décors ne manque pas d’inventivité. Par exemple pour la scène de l’incendie de Moscou, un ingénieux système de feux de Bengale fut mis en place. « Les feux allumés étaient déposés dans des caisses à pruneaux d’Agen récupérées chez mon père et les autres épiciers de Saint-Julien. Celles-ci étaient tirées par des filins et se déplaçaient derrière une maquette de la ville aux fenêtres découpées, créant ainsi l’effet de l’incendie » raconte Mado PRAUD, la fille de Félix.

Le 1 novembre 1922, les représentations sont annoncées dans la presse et les billets se vendent comme des « petits pains ». L’épicerie PRAUD, face à la mairie, gère les réservations des séances théâtrales et connaît des records d’affluence les jours qui précèdent la première annoncée, le dimanche 12 novembre.

L’écho de la Loire du 1er novembre 1922 ADLA – Epicerie Praud en 1922, Félix assis à droite ; Collection Mado Praud

Le 12 novembre,  lors de la première, la soixantaine d’acteurs se fait photographier face à salle de patronage. Il y a là entre autres, Léon BRAUD, Auguste DAVID, Paul PARIS, Paul VIVANT, Benjamin SABLEREAU, Eugène BOUYER, , Alexandre et Marcel PÉTARD, Charles VEZIN, André LEDENVIC, Lucien LEFEUVRE, Baptiste THOMAS, Jules MÉCHENEAU, André SÉCHER, Henri JAMET, Guillaume BRAUD, Félix PRAUD, Marcel SECHER, Jean-Marie BOUYER, Clément PRÉAUDEAU, , Georges ALLEREAU, Henri LUZET, Jean-Marie PÉTARD et Clément HIVERT…

Photo coll. Mado PRAUD. Jean-Marie est le premier sur la droite sur la troisième rangée à partir du haut et Clément juste en dessous de lui.

Laissons au journaliste nantais du quotidien « l’Écho de la Loire » raconter la séance du 12 novembre… 

"Une séance au patronage

Dimanche dernier j'étais allé visiter des amis à St Julien de Concelles. En arrivant mes amis qui partaient au théâtre dans une salle de patronage voir jouer Michel Strogoff, pièce à grand spectacle, m'invitèrent à le suivre.
 
Fut-ce la curiosité de voir ce que ces jeunes gens de campagne peuvent essayer de rendre de cette grande pièce où est-ce pour rester plus longtemps en compagnie de mes amis, je me décidai à les suivre un peu sceptique sur la distraction qui me serait offerte.
 
Et bien, j'en fus et j’en suis encore tout en émerveillé !

Ayant vu jouer Michel Strogoff dans les grands théâtres, j'étais loin de m'attendre à un spectacle semblable. Malgré la scène réduite, le spectacle imitait beaucoup les grandes représentations. J'y ai trouvé des acteurs amateurs qui peuvent soutenir la comparaison avec des professionnels. Les décors copiés sur ceux  du Châtelet étaient splendides. J'ai compté six changements à vue accomplis avec une rapidité étonnante qui avec les jeux de lumière me font penser que cette scène possède une installation très moderne. 

Grâce aux nombreux figurants, on parle d'une centaine, la mise en scène était de premier ordre. La fête dans Moscou avec les trompettes, le défilé des troupes, l’illumination des monuments et le ballet des enfants qui en était le clou fut magnifique. Au deuxième acte un âne qui me parut très bien dressé fit dérider les plus moroses.

La fête tartare fut aussi des mieux réussies avec ses danses tziganes et le tournoi des lanciers barbares. Le fleuve en feu avec le défilé des brûlots, l'incendie d'Irkoutsk …  intriguèrent plus d'un spectateur se demandant comment il se pouvait que la réalité fût de si près imitée. 

À l'entracte le concert nous permit d'entendre une fantaisie sur “la mascotte”. Ce morceau qui figure au répertoire des grandes sociétés me faisait douter de son exécution ici. Mais je puis dire que la société musicale de Saint-Julien s'en est tirée à la perfection. 

Nul doute qu'il y aura foule encore dimanche prochain. Il est probable que la société sera obligée de rejouer le 26 pour satisfaire tous ses admirateurs.

Le succès étant là, une autre représentation théâtrale de la pièce fut jouée le 26 novembre 1922.

 

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