Auguste VIVANT, fils de Françoise HIVERT, et la guerre de 70

1870

Auguste, fils ainé de Françoise HIVERT et de Pierre VIVANT vit avec ses parents et son frère cadet, Jean Baptiste, au village du Chêne. Sa tante, Jeanne, a elle aussi épousée un Pierre VIVANT mais ceux-ci habitent avec leur trois filles à la Sablère juste à coté de l’oncle d’Auguste, Pierre Hivert.

En cet été 1870, à St Julien on ne parle que Napoléon le 3ème qui vient de déclarer la guerre à la Prusse. Auguste, conscrit l’an passé, devait rejoindre son régiment d’affectation prochainement et Françoise, sa mère, n’a qu’une crainte c’est qu’il parte au front.

Quelques jours après cette déclaration de guerre aux prussiens le maire de la commune, Jean Marie Ménard, demande à ce que tous les jeunes conscrits des dernières années viennent à la mairie le dimanche 24 juillet après la messe.

A cette occasion Auguste rencontre son oncle Pierre, conseiller municipal et quelques conscrits et quelques amis dont Pierre Cornet et Baptiste Bouquet ses voisins du village de St Barthélémy. 

Tous se rassemblent devant la mairie autour de l’affiche envoyée la veille par la préfecture que le maire qui a fait apposer. Ce dernier interpelle le directeur de l’école, Julien BAGRIN, en l’invitant à lire la déclaration de l’empereur. Dans un silence solennel, tous écoutent le vieil instituteur : « Je suis avant tout républicain mais c’est à la demande du maire que je vous lis cette proclamation »

Proclamation par l’empereur Napoléon III de la guerre à la Prusse en 1870 – Affiche de la préfecture de la Loire-Inférieure.

 « Il y a dans la vie des peuples des moments solennels où l’honneur national violemment excite s’impose comme une force irrésistible, domine tous les intérêts et prend seul en main la direction des destinées de la Patrie. Une de ces heures décisives, vient de sonner pour la France. La Prusse à qui nous avons témoigné, pendant et depuis la guerre de 1860, les dispositions les plus conciliantes, n’a tenu aucun compte de notre bon vouloir et de notre longanimité ; lancée dans une voie d’envahissements, elle a éveillé tontes les défiances, nécessité partout désarmements exagérés et fait de l’Europe un camp où règnent l’incertitude et la crainte du lendemain. Un dernier incident est venu révéler l’instabilité des rap- ports internationaux et montrer toute la gravité de la situation. En présence des nouvelles prétentions de la Prusse, nos réclamations se sont fait entendre, elles ont été éludées et suivies de procédés dédaigneux ; notre pays en a ressenti une profonde irritation et aussitôt un cri de guerre a retenti d’un bout de la France à l’autre. Il ne nous reste plus qu’à confier nos destinées au sort des armées.

Nous ne faisons pas la guerre à l’Allemagne dont nous respectons l’indépendance, nous faisons des vœux pour que les peuples qui composent la grande nationalité Germanique, disposent librement de leurs destinées ; quant a nous, nous réclamons l’établissement d’un état de choses qui garantisse notre sécurité et assure l’avenir ; nous voulons conquérir une paix durable, basée sur les vrais intérêts des peuples et faire cesser cet état précaire où toutes les Nations emploient leurs ressources à s’armer les unes contre les autres. Le glorieux drapeau que nous déployons encore une fois devant ceux qui nous provoquent est le même qui porta à travers l’Europe les idées civilisatrices de notre grande Révolution, il représente les mêmes principes, il inspirera les mêmes dévouements français.

Je vais me mettre à la tête de celle vaillante armée qu’anime l’amour du devoir et de la Patrie. Elle sait ce qu’elle vaut, car elle a vu dans les quatre parties du monde la victoire s’attacher à ses pas.

J’emmène mon fils avec moi : malgré son jeune âge, il sait quels sont les devoirs que son nom lui impose, et il est fier de prendre sa part dans les dangers de ceux qui combattent pour la patrie. Dieu bénira nos efforts. Un grand peuple qui défend une cause juste est invincible. NAPOLÉON

A l’issue de la lecture du discours de l’empereur des propos fusent de la part de certains jeunes rassemblés ; « Pas question de faire la guerre pour cet empereur » s’exclame le jeune Jean Michel PARIS, le marinier ;  « on va en faire qu’une bouchée de ses prussiens » lui renvoie Jean HILAREAU ; « On a été tiré au sort l’an dernier pour faire un long service de cinq ans et on devait partir prochainement… alors on va aller directement à la guerre contre les Prussiens» ajoute Pierre CORNET inquiet. Le maire lui répond alors qu’il attend les ordres de la préfecture pour la mobilisation des classes 66 à 69.

Auguste est né en juin 1849.  Conscrit au printemps 1869 il s’est retrouvé l’an passé au conseil de recrutement au Loroux-Bottereau avec plus de 150 jeunes du canton. Au tirage au sort Auguste a hérité du numéro 54 et son ami Pierre CORNET, du village de la Chesnaie (St Barthélémy) a écopé du numéro 11. A moins d’un remplacement que leurs parents ne peuvent payer, ils seront contraints à un service militaire de cinq ans !

Extrait de la liste départementale du contingent et de la garde nationale mobile – Ancenis 1869 – 1 R 783 –archives départementales de Loire-Atlantique

Ce jour là, un autre conscrit de Saint Julien, Jean GANTRON semble ravi. Le numéro 144 le place directement dans la réserve.

Extrait de la liste départementale du contingent et de la garde nationale mobile – Ancenis 1869 – 1 R 783 – Archives départementales de Loire-Atlantique

Peu de temps après la rencontre municipale les choses n’ont pas trainées. Auguste est convoqué au  70ème Régiment d’infanterie de Nantes début août avec son ami Cornet. Habillé de pied en cap et après quelques jours d’exercices le départ pour Paris s’effectue en train le 10 août.   C’était une première pour Auguste qui n’avait pas été plus loin que Nantes.

Soldat de 1870, francais-en-uniforme.fr

Le lendemain, à Paris, la gare de La Villette est pleine de soldats. Le colonel BERTIER, commandant la 70ème avant  d’embarquer pour Metz, rassemble ses troupes « Nous allons renforcer l’armée du Rhin et repousser les prussiens hors de nos frontières, et pour cela je dois compter sur vous tous !». Auguste s’aperçoit à ce moment là que nombre de bretons composant sa compagnie « n’entendait pas le français ».

A partir de Chalons, la marche des trains devient lente et incertaine, car le télégraphe avait signalé le passage de coureurs prussiens à Frouard et à Pont-à-Mousson. Le régiment arrive 13 août à Metz à deux heures du matin, débarque à la gare de Devant-les-Ponts, pour camper sur le plateau de Woippy. Les prussiens sont là à quelques kilomètres.

Sur place, dès l’arrivée au bivouac, il faut former les fusils en faisceaux, puis procéder à la confection des tentes. Puis les taches sont distribuées par les sous officiers : « Grand-gardes par-ci, corvées par-là, il y avait des ordres de toutes sortes, corvées pour les vivres, corvées pour le bois, corvées pour la paille; les appels ne cessaient pas[1]. »

Photo d’époque de Prillot montrant les tentes raboutées et les faisceaux – loire1870.fr

Le 16 août, Auguste participe avec ses camarades du 70ème à la bataille de Gravelotte. Dès le réveil, l’ordre est donné par le colonel Jean-François BERTIER,  le commandant du régiment de se tenir prêt à marcher ou à combattre. A neuf heures et demie, au moment où le canon se fait entendre sur la droite, le régiment prend les armes et traverse la route en colonnes serrées, face au Bois-des-Oignons. Vers onze heures, par suite de nouveaux ordres, le régiment repasse au nord de la route et vient se masser derrière Rezonville. Dans cette position il est exposé pour la première fois aux projectiles de l’artillerie ennemie[2].

 Vers midi, le 70ème se porte en première ligne, à quatre cents mètres en avant de Rezonville… Là, Auguste et ses camarades connaissent l’ivresse des combats. « Le roulement du canon, le bruit de la fusillade, l’odeur de la poudre, le cliquetis des armes, les sons du clairon, les commandements de chefs, les clameurs poussées par des milliers d’hommes s’excitant mutuellement à la lutte, ce brouhaha immense et confus qui s’élève du champ de bataille et qui l’assourdit, le transporte, l’enivre et l’empêche de songer aux dangers qu’il court[3]» … 

Vers sept heures et demie du soir le régiment est attaqué par des forces considérables. Il les reçoit par un feu très-nourri et fait bonne contenance mais la supériorité numérique de l’ennemi et une charge de cavalerie le force à se porter en arrière jusqu’à hauteur de Rezonville, ce qui entraîne du désordre. A la nuit tombée le combat cesse et l’on s’établit dans les campements désignés. Les pertes dans cette journée ont été de 44 tués… Le moral n’est pas bon d’autant que le colonel BERTIER est blessé[4].

Bataille de Gravelotte 16 Août 1870 – Imagerie de P. Didion à Metz

Le lendemain le régiment quitte Rezonville pour Saint Privat. Le 18 août à midi, au moment où se produit l’attaque prussienne, le 70ème fut déployé en deuxième ligne mais devant le feu nourri des colonnes prussiennes qui avançaient Auguste, Pierre Cornet et leurs camarades du 70ème doivent battre en retraite sans riposter ; les cartouches consommées à Gravelotte n’ayant  pu être remplacées. Après le combat les soldats en deuxième ligne aidées de voiture d’ambulance parcourent les lieux du carnage. « Quelle épouvantable chose qu’un champ de bataille après le combat ! Les hommes sont-ils donc des bêtes féroces pour s’entre-déchirer les uns les autres ? Là, un Prussien le crâne effondré, la face baignant dans une mare de sang, qu’agitent des soubresauts de sa respiration haletante. Ici, un pauvre soldat tué par une bombe brûle comme un fétu de paille. A côté, un cheval blessé à mort relève la tête et cherche son cavalier, son ami, poussant des hennissements plaintifs. Plus loin, un officier de zouaves, presque étouffé par sa monture, respire encore et réclame la mort avec des cris déchirants[5] ». 

Histoire de la guerre de 1870-71  par Paul et Victor Margueritte p 49, Gallica

Après la défaite de Saint Privat, cette armée du Rhin commandé par le maréchal Bazaine[6] se retire dans Metz, rapidement assiégée par une partie de l’armée prussienne. Sans espoir, l’armée doit capituler le 27 octobre, livrant à l’ennemi 180.000 prisonniers et un matériel considérable.

Soldats durant le siège de Metz en octobre 1870 – military-photos.com

Auguste VIVANT, comme certains de ses camarades du 70 ème dont son ami Jean Baptiste POTIER de Château-Thébaud, sera affecté au 10ème de marche[7] le 27 août et ne subira pas le siège de Metz. La mission de ce régiment est de rejoindre Paris avant les prussiens pour éviter la prise de la capitale, mission qui s’effectue faute de trains disponibles en grande partie à pied et dans des conditions difficiles. La retraite est éreintante par sa précipitation, d’autant que les vivres n’arrivent plus à suivre. Les hommes mendient un peu de pain sur leur passage. Pas de fourrage non plus pour les chevaux… « Sur la route, un certain nombre de chevaux gisaient çà et là. Les rations que nous recevions étaient assez réduites; elles étaient même insuffisantes pour nos appétits. Alors on se disait qu’un bon bifteck de cheval n’était pas à dédaigner [8]». 

En chemin la compagnie en mouvement apprend que l’empereur est prisonnier et qu’à Paris la république a été proclamée… mais les prussiens s’approchent et commencent à encercler Paris.

Auguste participe aux différentes batailles pour la défense de Paris, de Champigny en novembre 1870 à Buzenval début 1871, son dernier combat avant la capitulation de Paris et la signature de l’armistice le 28 janvier.     

En février, après ces moments éprouvants de plus de six mois de conflit, marches et privations de toutes sortes, Auguste retrouve lors d’une permission, comme son ami Pierre CORNET et avec plaisir ses proches et la commune Saint Julien. Son autre camarade Jean Baptiste POTIER n’aura pas la chance de revoir Château Thébaud. Blessé à Buzenval il décèdera à l’hôpital de Gros-Caillou[9] à Paris le 6 de ce même mois.

Extrait de la liste départementale du contingent et de la garde nationale mobile – Ancenis 1869 – 1 R 783 –archives départementales de Loire-Atlantique  

De même, en rentrant, il apprend que l’ensemble de ses conscrits de Saint Julien ont dû répondre à l’appel de Gambetta, nouveau ministre de la guerre qui a décidé « une levée en masse » en octobre 1870. Son ami Jean-Marie GANTRON, qui avait échappé au service obligatoire, a été enrôlé dans l’armée de la Loire et est mort à la bataille de Beaugency (Orléans) le 11 décembre 1870.   

Extrait de la liste départementale du contingent et de la garde nationale mobileAncenis 1869 – 1 R 783 –archives départementales de Loire-Atlantique

Jean-Marie fera partie des seize disparus de cette guerre, sans compter les sept décès suite à des blessures de guerre constatés par le docteur Le Cerf « prouvant que la commune a fourni son contingent à la funèbre hécatombe[10] »…


Auguste Vivant reste encore pendant 4 ans affecté au 110ème RI en garnison ensuite à Dunkerque. Il y mène alors une vie militaire faite d’exercices et de manœuvres.

Extrait de la liste départementale du contingent d’Ancenis 1869 – 1 R 783 Archives départementales de Loire-Atlantique
Soldat du 110ème RI photographié à Dunkerque

A son retour de sa période de service, Auguste se marie avec sa cousine Jeanne, la fille de son oncle Joseph HIVERT du village de la Robinière. Son frère Jean-Baptiste en fait de même avec sa cousine Augustine VIVANT. Pierre HIVERT, leur oncle sera le témoin de mariage de l’un et de l’autre. Cette consanguinité n’a pas permis à ces deux couples d’avoir une descendance prospère, c’est le moins qu’on puisse dire ! La fréquence à l’époque de ces unions consanguines malgré l’opposition de l’Église reste une énigme (proximité géographique, liens affectifs de cousinage, intérêts patrimoniaux, qui sait ?)

Auguste sera indemnisé pendant trente ans après son service, jusqu’en 1905, pour son engagement dans la guerre de 1870.

JO de la république française du 28 aout 1904 – Gallica BNF


[1] Souvenirs d’un mobile de la Sarthe, D. Erard, 1907

[2] Historique du 70e régiment d’infanterie de ligne, Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France

[3] Guerre de 1870 – 1871, E. Gluck, 1873

[4] Historique du 70e régiment d’infanterie de ligne

[5] Chasse au prussien, J. Michel, 1872

[6] L’attitude trouble de Bazaine (qui sera accusé de trahison et d’intelligence avec l’ennemi lors de son procès après la guerre), la fronde sourde d’une partie de ses généraux et les nouvelles désastreuses du reste de la France que les prussiens s’ingénient à laisser filtrer (en particulier la capitulation de l’armée de Mac Mahon à Sedan, puis la chute de l’Empire) entretiennent un climat pesant qu’alourdissent encore les privations des hommes et des bêtes. http://military-photos.com/metz.htm

[7] Le 110ème régiment de ligne est crée le 28 octobre 1870, succédant au 10ème régiment d’Infanterie de marche.

[8] Souvenirs d’un mobile de la Sarthe, D. Erard, 1907

[9] L’hôpital du Gros-Caillou sera démoli en 1899. Tout ce qui subsiste de cet hôpital est la « fontaine de Mars » qui était située à l’entrée de cet hôpital, au 129-131 rue Saint Dominique. Cette fonataine est édifiée en 1806 sur un dessin de l’ingénieur François-Jean Bralle. Un de ses bas-reliefs évoque « Hyhie, la déesse de la santé donnant à boire à Mars, le dieu de la guerre » ce qui est tout un symbole.

[10] Étude démographique et médicale de la commune de Saint-Julien-de-Concelles, par le docteur Le Cerf, Gazette médicale de Nantes, 1897

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