1905.
« Le temps passe et les jours de joie alternent avec les jours de tristesse. Ce prochain jeudi 18 mai jour de l’Ascension, ce sera jour de bonheur avec la communion de Gabrielle » écrit Jean-Marie le père de Gabrielle à son ami Julien LAINÉ du Mans en ce printemps 1905
Contrairement à ses habitudes, son ami lui répond sur le champ : « Madame Lainé espère que le modeste souvenir qu’elle a envoyé à votre mignonne Gabrielle pour le grand jour sera arrivé à bon port. Ce sera demain, jour de joie à la Guilbaudière. Vos amis du Mans en prendront leur part au dessert, nous choquerons nos verres au bonheur à l’éternel bonheur de l’héroïne du jour. Mon épouse et même Sophie s’associeront mieux encore que moi, et plus pleinement, au sens mystique de la fête ».
Jean-Marie se félicite désormais de l’attention que lui porte de plus en plus son ami. Quatre plus tôt il a apprécié les mots que Julien LAINÉ a mis sous sa plume pour rendre un hommage à François CHARON,celui que Jean-Marie appelait « papa » : « Un nouveau deuil vient de vous atteindre. Une fois de plus, la mort cruelle et implacable dans sa fatalité tragique a frappé à la porte de la Guilbaudière et vous a enlevé celui sur qui vous vous reposiez des soucis des affaires et qui depuis 30 ans, toujours courageux, toujours debout, partageait avec vous les soins que réclame cette terre des ancêtres. Cette terre que vous aimez tant et qui a déjà vu passer tant de dévouements, de travail, et sans doute aussi, de misère et de douleur ! C’est un grand vide pour vous et votre épouse … Je suis heureux vous ayez gardé dans ce malheur l’indépendance complète vis-à-vis de la famille de votre beau-père et être ainsi débarrassé des soucis qui n’auraient pas manqué sans doute… La direction de la Guilbaudière va vous être lourde désormais mon cher ami »…
Effectivement depuis bientôt quatre années, la tache est pesante. Même avec l’appui du commis, le solide Félix GODEFROY, fils de Samuel Pierre et de Marie PÉTARD du village de la Verrie, Jean–Marie se sent de plus en plus faible au fil des ans pour exécuter les travaux des champs.
Julien là aussi lui apporte son soutien : « Je souhaite surtout que votre santé se rétablisse et que les premières frondaisons d’avril apportent avec la sève aux arbres de la Guilbaudière, la force complète et la guérison, écrit l’ami LAINÉ au printemps 1901; « Je vous expédie ce jour en colis postal en gare de Concelles, 2 flacons d’émulsion créosotée de phosphate et une boîte de 25 « tomatose », à prendre en 3 cuillères à café à délayer dans du bouillon de légumes du lait du thé ou du tilleul… Lorsque ces provisions seront utilisées, dites-le-moi mon cher ami, on pourra facilement vous en expédier à nouveau par la poste…
Plus tard pour le remercier, Jean Marie lui envoie des nouvelles plus rassurantes ce à quoi Julien répond : « Je me réjouis d’une amélioration sur laquelle je comptais du reste et qui est une promesse pour l’avenir. L’espoir toujours tenace, toujours vigoureux, l’espoir inébranlable n’abandonne jamais les croyants et vous êtes un croyant Jean-Marie… un croyant de forte race ».
Depuis plusieurs années, les deux familles se rencontrent à Saint-Julien ou à Nantes, la famille LAINE, prenant ses quartiers d’été à l’hôtel GOUTTE de Pornichet comme le rappelle Julien dans sa lettre du 2 septembre 1901 : « Nous sommes ici depuis 10 jours où nous goûtons le repos des bords de mer. Nous allons bientôt songer à regagner Le Mans hélas et nous ne voudrions pas y rentrer sans vous avoir vu! J’espère mon cher ami que votre lettre m’apportera de bonnes nouvelles de vous tous et en particulier du voyage de votre épouse aux grottes de Lourdes ».
Rendez- vous est pris à Nantes le 9 septembre.

Les années suivantes le même rituel se perpétue.
En ce mois de mai 1905 des préparations fiévreuses saisissent la famille pour célébrer non seulement la communion mais aussi la confirmation l’après midi, cette dernière cérémonie en présence à Saint Julien de l’évêque le jeudi 18 mai. Il faut organiser l’accueil de l’ensemble de la famille, préparer le repas de fête, acheter des habits neufs…
Pour cette communion et comme les autres jeunes filles de son âge, Gabrielle a dû faire ses 3 années de catéchisme, réussir les examens trimestriels préparatoires liés sans oublier la présence obligatoire et assidue à la messe dominicale.

A l’issue de la cérémonie du matin, la procession se rend traditionnellement dans le jardin de la cure. Comme l’ensemble des filles de son âge, Gabrielle avec sa robe et ses voiles blancs ressemble à une petite mariée. Toutes parées d’une couronne de roses fleurissant leurs chevelures, elles avancent telle de petites « Marie » réincarnées.
A l’issue de la cérémonie du matin, la procession se rend traditionnellement dans le jardin de la cure. Comme l’ensemble des filles de son âge, Gabrielle avec sa robe et ses voiles blancs ressemble à une petite mariée. Toutes parées d’une couronne de roses fleurissant leurs chevelures, elles avancent telle de petites « Marie » réincarnées.

Gabrielle est ainsi la reine de la journée réunissant majoritairement les BRETONNIÈRE, la famille PETARD se résumant à Marie Pétard et son mari Auguste HIVERT. Reine de la journée, Gabrielle se tient à table entre son parrain Auguste BRETONNIÈRE et sa marraine Marie Pétard, la femme d’Auguste.Gabrielle est émue de recevoir de ceux-ci une chaîne avec une croix et un chapelet. Ses parents, de leur côté, lui ont fait graver un missel avec ses initiales.
Le repas pourtant copieux doit être assez vite expédié car il faut retourner à l’office l’après midi. Ce jour de l’Ascension les vêpres sont remplacées par la cérémonie de confirmation célébrée l’évêque Pierre-Émile ROUARD, à côté du vieux curé TORELLE et des deux vicaires, DIAIS et CASSARD. Gabrielle y retrouve ses deux amies, les deux Marie, ALLEAU et COURGEAU.
De retour à la Guilbaudière, les hommes font un tour à la cave à l’exception d’Auguste BRETONNIÈRE, prétextant un retour tardif vers sa demeure de Haute-Goulaine mais que toute la famille sait quelque peu en froid avec son frère Pierre, aumônier des sœurs de St Gildas.
La conversation roule sur l’actualité du moment et le dernier numéro de la « Semaine religieuse » dont le prêtre a pris soin de découper l’article. Lecture faite, tous les hommes approuvent la position du Conseil Général de la Loire-Inférieure.
Cependant Pierre BRETONNIÈRE, le prêtre, ne peut s’empêcher de faire une remarque piquante à son beau-frère : « Je ne comprends pas mon cher Jean-Marie votre amitié durable avec ce Julien Lainé dont vous me parler régulièrement, pharmacien socialiste du Mans, dont les amis politiques veulent ruiner notre église avec ce projet de loi de séparation des Églises et de l’État ». .
En remerciant son ami du cadeau fait à Gabrielle, Jean-Marie évoquera, outre les tensions dans la famille BRETONNIÈRE, cet échange avec son beau-frère… et Julien de répondre : « Je viens de relire votre lettre et j’y trouve à propos de la retraite du doyen de Bourgneuf et aussi de l’exil de l’aumônier des sœurs de St Gildas un tableau de cette famille d’autrefois qui s’émiette hélas elle aussi. J’ai pu voir moi-même dans quelques circonstances importantes la persistance de l’esprit patriarcal. »
