Les parents de Noël HYVERT dans la tourmente de la révolution

1791. Joseph et Marie entre La Chapelle Basse-Mer et Saint Julien de Concelles

1791 1792. La période d’instabilité

Noël a alors 15 ans. Il apprend que la monarchie a été renversée le 10 août 1792, qu’une  assemblée nationale appelée «  Convention » gouverne désormais le pays et que le roi a été emprisonné.

La Chapelle, depuis toujours fidèle au roi, est de ce fait, un peu en émoi. Déjà l’assemblée  nationale, qui avait voté la Constitution civile du clergé, stipulait que les membres du clergé étaient désormais fonctionnaires, et devaient prêter serment à la Constitution avait troublé la paroisse.

Dès lors, le clergé est divisé entre les prêtres assermentés ou jureurs, qui acceptent de prêter serment, et les prêtres insermentés ou réfractaires, qui refusent.

C’est le cas de Pierre-Marie ROBIN. Joseph le connait bien car un enfant du pays né en 1748 et fils de Jean ROBIN et de Mathurine GARTION, dont la famille possède des propriétés autour de la Sangle. Avant la révolution et au début, il occupait la cure d’une paroisse située sur la même rive gauche de la Loire mais à une soixantaine de kilomètres de la Chapelle-Basse-Mer, en aval de Nantes, Le Pellerin, où il était recteur[1].

 Pierre Marie ROBIN refuse de prêter le serment de fidélité à la Constitution, ne se distinguant pas en cela des prêtres de la Chapelle-Basse-Mer unanimement réfractaires. Mais à la différence de ceux-ci, il n’obtempére point aux ordres du département d’avoir à se rendre au chef-lieu pour y être confiné et, plus tard, éventuellement, déporté en Espagne[2].

En effet, ce curé réfractaire n’a pas que des amis à La Chapelle, entre autre le conseil municipal installé depuis l’an dernier et qui essaie de mettre en œuvre les mesures de la convention.

Joseph est lui aussi devenu plutôt méfiant car avec cette municipalité, presque aux mains des seuls commerçants et artisans du bourg[3] autour du maire le sieur Rivière des Héros, car l’imposition continue d’augmenter ces trois dernières années.

De plus, Augustin Le Mercier, le curé réfractaire de La Chapelle est arrêté en avril 1792 et sera exilé en Espagne ensuite. Quelques temps après arrive, entouré de miliciens, Thomas Marie Capron, prêtre assermenté[4], ecclésiastique ayant prêté serment à la Constitution civile du Clergé de 1790.

Dans un premier temps Joseph et Marie se montrent légalistes en faisant baptiser leur dernier né Pierre-Daniel par ce nouveau recteur dont beaucoup de  « champeaux[5] » se méfient ; car c’est un prêtre et un militant de la république. Son premier acte de baptême est même précédé de la mention :   

Le 15 avril 1792 Registres paroissiaux et d’état civil Notre dame La chapelle basse mer La Chapelle Basse Mer
Pierre Daniel IVERT[1] baptisé, le 3 juin 1792, Registres paroissiaux et d’état civil Notre dame La chapelle BM – Archives départementales 44.


[1] L’erreur d’orthographe avec un H manquant au nom de Pierre-Daniel prouve que ce nouveau curé ne connait pas la famille.

L’abbé Robin, pourchassé et interdit d’église est contraint de vivre dans l’illégalité la plus totale. Lui et les autres prêtres réfractaires de la paroisse, obligés de rester en contact avec un grand nombre de personnes, s’exposent à un danger permanent car la délation est encouragée par les autorités révolutionnaires.

Pierre Marie ROBIN raconte, dans le registre paroissien clandestin, qu’il tient assidument comment le nouveau prêtre CAPRON, qu’il appelle « moine scélérat », veut le faire capturer[7] en cette année 1792 en lien avec les autorités locales.

 Cependant huit jours après la sortie de monsieur Le Mercier, il fut placé un intrus, nommé Caperon, moine scélérat qui ayant eu la nouvelle que monsieur Robin était dans la paroisse et soutenait les fidèles dans la foi et l’attachement à leur légitime pasteur le fit poursuivre une infinité de fois à toute outrance, de manière qu’il n’a pu échapper à ces satellites infernaux que par un miracle, témoin le jour du Saint Rosaire, premier dimanche d’octobre 1792, où les mesure bien prises le dit Caperon fit venir la soldatesque effrénée du Loroux ayant le sieur Rivière des Héraux à leur tête, maire de la paroisse et sans donner aucun avis aux braves gens de la paroisse, ils conduisirent les forces armées ,à quatre heures du soir chez la dame Vivant vis-à-vis la croix d’ardoise du petit cimetière où monsieur Robin était réellement et sans doute avait été vendu. Un garde fut mis à la porte et sur le coin du petit cimetière, un autre dans le jardin et un autre dans l’intérieur de la maison Monsieur Robin était au grenier occupé confesser. Il s’aperçut bientôt du danger et sans perdre courage ni la confiance dans la mère du Saint Rosaire, il descendit par une porte de côté, va dans la maison voisine et dans le jardin qui était séparé par une petite haie de trois pieds du jardin où était une garde de soldats qui ne le reconnaît pas mais qu’il reconnut bien et sous l’habit d’un jardinier qu’il portait depuis quelque temps, il fit semblant d’élimer les arbres et se retira dans une chambre voisine d’où il se retira le soir pour retourner à son gîte ordinaire. Depuis ce temps il ne cessa de travailler au service de la paroisse…

Au début des années 1791, dans la commune voisine de Saint Julien les tensions sont vives également. Marie BAGRAIN, la femme de Joseph suit les nouvelles de la commune de son enfance malgré les cinq kilomètres qui la séparent du Bois-chef, fief de cette famille nombreuse.

En effet la maman de Noël, est l’ainée d’une famille recomposée de 14 enfants, son père René s’étant marié une seconde fois avec Marguerite ROUXEAU l’année d’après le décès de sa mère, Marie PIOU, en 1758. De plus son grand-père, Pierre BAGRAIN s’est marié trois fois et beaucoup d’oncles et tantes sont à peine plus âgés qu’elle.

Son grand père Pierre, décédé en 1767, comme l’ainé de ses fils Jean Baptiste, était qualifié du terme « d’honorable homme », fabriqueur, composant le Général de la paroisse[8] avant la révolution.

Le général est une assemblée composée de douze anciens marguilliers, qui gèrent les affaires de la paroisse, six représentants des champs et six de la Vallée : « Les réunions s’annonçaient par un billet lu au prône huit jours à l’avance. Au jour marqué, à l’issue de la grande messe paroissiale, au son de la cloche, en conséquence du billet de convocation publié le dimanche précédent, s’assemblaient capitulairement messire le recteur, messire le sénéchal, messire le procureur fiscal du Gué-au-Voyer, et les honorables personnes… Suivaient les noms de ceux qui composaient le Général de la paroisse. La présidence du conseil était prise par le sénéchal, c’est-à-dire par le juge de la juridiction du Gué-au- Voyer. En cas d’absence, il était remplacé par le procureur fiscal, représentant du seigneur, ou par le plus ancien délibérant. Ce sont les marguilliers en charge qui proposent les questions sur lesquelles doit porter la délibération. Chacun émet librement son avis, à commencer par les plus jeunes. Au moment du vote, les suffrages sont donnés d’abord par les délibérants, ensuite par le président, et enfin par le recteur. Les deux marguilliers ne votent pas; ils exécutent seulement les décisions prises en Conseil. Un greffier, nommé tous les deux ans par le Général lui-même, inscrit les comptes rendus sur un registre de papier timbré, chiffré et millésimé par le premier juge du Siège Présidial de Nantes[9].

C’est Antoine-Marie TIGER[10], procureur fiscal du Gué au voyer et par ailleurs sénéchal de l’Epine Gaudin de la Chapelle basse Mer, qui oriente les débats…  Pendant la révolution il continuera à être ensuite l’un des hommes liges du canton[11]. Celui-ci est aidé dans sa tache par le greffier ou secrétaire, Jean Baptiste PHELIPPES, notaire.

Au début de l’année 1790, la création des communes par l’Assemblée Constituante du 14 décembre 1789[12] et la mise en place de la municipalité voulu par autour du maire Pierre CHON vient de fait modifier le pouvoir politique local. Désormais St Julien comme La Chapelle font parties du canton du Loroux et du district de Clisson.

Un an après le recteur local, l’abbé BLOUIN[13] n’ayant pas prêté serment à la constitution, sera  trouve écarté au profit d’un curé constitutionnel appelé LE COUTEUX en août 1791.

La famille BAGRIN, soutient clairement l’ancien régime et ne supporte pas le nouveau pouvoir local. Le dimanche 30 octobre, une dizaine d’hommes dont François, Michel et Thomas  BAGRIN, trois des oncles de Marie, pénètrent de la sacristie où sont délibèrent les officiers municipaux. La discussion commençait sur le mauvais état des cloches et sur la nécessité de les changer…[14].

Pierre LE CHON, dans sa lettre au district de Clisson, en rapporte les faits… extraits. 

Archives  départementales 44  L404 Injures en séance à la municipalité de St Julien de Concelles 1791

« … Tous criaient hautement qu’ils ne voulaient point de cloches volées, qu’ils se foutaient du procureur général et de la constitution. Puis ont injurié la municipalité ainsi que le sieur Jean Le Couteux, traitant celui-ci d’apostat, qu’il était incapable de dire la messe et qu’un toit à cochon pouvait suffire pour le loger. Qu’au reste il y avait assez longtemps que la municipalité conduisait la paroisse; qu’ils voulaient la régir eux-mêmes; qu’ils ne voulaient plus de municipalité, ni de la constitution; qu’on pouvait se dispenser de s’assembler et que dans quinzaine ils seraient en plus grand nombre. Et de suite ledit Dubois nous a saisi au collet, a cherché à nous terrasser et différents coups nous ont été portés à l’instant. Ayant annoncé notre retraite de l’assemblée, ledit Esseul aurait tenu la porte de la sacristie fermée sous la clef et défendu tous de sortir. A cette porte était attroupées, dans l’église, 20 personnes, partie ouvriers, annonçant être armés. De suite on aurait fait écrire par le secrétaire-greffier une prétendue délibération dont le contenu est encore ignoré; que nous, maire et autres officiers de la municipalité, avons été forcés de signer avant que l’ouverture de la porte ait été faite. Rapportons de plus qu’immédiatement après la prétendue délibération, le secrétaire-greffier se réunit aux diverses personnes, qui avaient apporté le trouble, dans.une auberge dudit bourg et buvant ensemble, ce qui porte à le suspecter et à le joindre au nombre des complices…

Depuis cette date, les tensions sont vives à Saint-Julien, d’autant que des ordres viennent de Clisson, chef lieu de district, pour vendre tous les biens ecclésiastiques.  Pierre BAGRAIN, un cousin de la famille, avec 3 autres personnes se porteront acquéreurs de la maison du presbytère pour 1770 livres[15].  

En cette fin d’année 1792, peu de personnes se pressent dans l’église du recteur LE COUTEUX, préférant les messes clandestines et lorsque la Convention nationale appelle le 9 décembre à réélire la municipalité, il y a peu de candidats pour remplir les conditions exigées par la loi…     


[1] Dans la religion catholique, un recteur est un clerc qui a la responsabilité d’une basilique ou encore d’un établissement d’enseignement. Dans certaines régions, notamment en Bretagne, c’est le titre usuel donné au curé d’une paroisse. « En français, on dit « Monsieur le Curé ». Cà vient du latin curatus animarum : « chargé des âmes » des paroissiens) (…), il doit en prendre grand soin, en avoir « cure ». Mais en français de Bretagne on utilisait un mot plus ancien et plus respectable : « Monsieur le Recteur », chargé de la « direction » de la paroisse, garant de la « rectitude » des conduites et des pensées des paroissiens. En breton, le respect pour son autorité était encore plus net : on disait an aotrou person (…), mot-à-mot le « seigneur personnage ». Les recteurs bretons se comportaient effectivement en maîtres de leur paroisse ». https://fr.wikipedia.org

[2] Extrait : Revue d’histoire moderne et contemporaine – Tome XXXV – Janvier-Mars 1988

[3] La Chapelle Basse-Mer village vendéen, page 85,  Reynald Sécher note que la représentation du conseil est la suivante : 9 tonneliers, 2rentiers, 2 tailleurs, un chapelier, un boulanger, un maréchal ferrant, un perruquier, un notaire et seulement 7 paysans.

[4] Ecclésiastique ayant prêté serment à la Constitution civile du Clergé de 1790.

[5] Habitant sur le plateau et les champs

[6] L’erreur d’orthographe avec un H manquant au nom de Pierre-Daniel prouve que ce nouveau curé ne connait pas la famille.

[7] Archives départementales 44 

[8] La fabrique ou général (paroisse) ou fabrique d’église, au sein d’une communauté paroissiale catholique, désigne un ensemble de   » décideurs » (clercs et laïcs) nommés pour assurer la responsabilité de la collecte et l’administration des fonds et revenus nécessaires à la construction puis l’entretien des édifices religieux et du mobilier de la paroisse : église(s), chapelle(s), calvaire(s), argenterie, luminaire(s), ornement(s)… Le terme « Fabrique d’Église » désigne à l’origine une assemblée de clercs auxquels se sont ajoutés, depuis le Concile de Trente (1545-1563), des laïcs, chargés de l’administration des biens de la communauté paroissiale.Les membres du conseil de fabrique sont donc des administrateurs désignés plus spécifiquement par les termes de marguilliers ou de fabriciens.

[9] RP Pétard Saint-Julien-de-Concelles. Histoire d’une Paroisse Bretonne Avant et Depuis 1789, page 105

[10] En tant qu’officier seigneurial, c’est lui qui présidera du 31 mars au 5 avril 1789 les assemblées paroissiales chargées d’élaborer les cahiers de doléances des trois plus grosses paroisses (Le Loroux-Bottereau, Saint-Julien-de-Concelles et La Chapelle-Basse-Mer) pour ce qui deviendra le futur canton lorousain.

[11] Né à Saint-Herblain le 27 avril 1744, Antoine-Marie TIGER deviendra le troisième maire lorousain de la mi-novembre 1791 à la fin juin 1792. Aristocrate et royaliste, son élection fut contestée. Il deviendra un peu plus tard l’un des chefs locaux de l’insurrection dans le collimateur des patriotes du secteur. Ouest France du 11/08/2013

[12] Loi du 14 décembre 1789

[13] Déporté en Espagne, il mourut exilé à l’âge de 74 ans en 1799 RP Pétard Saint-Julien-de-Concelles

[14] RP Pétard Saint-Julien-de-Concelles. Histoire d’une Paroisse Bretonne Avant et Depuis 1789, page 211

[15] RP Pétard Saint-Julien-de-Concelles. Histoire d’une Paroisse Bretonne Avant et Depuis 1789, page 215

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