1777. Les parents de Noël à la veille de la révolution
Notre histoire des HIVERT débute avec Noël, fils cadet de Marie BAGRAIN et Joseph HYVERT, de la Sangle à la Chapelle Basse-Mer, à proximité de la commune de Barbechat.
1777. L’année de naissance de Noël HYVERT
Né un 25 décembre. Son prénom allait de soi. Il est le 5ème d’une famille de 10 enfants. Baptisé dès le lendemain même en l’église de la Chapelle comme le veut la tradition entourée de son parrain et sa marraine….

En 1777, Louis XVI règne encore sur une France dont l’actualité politique n’arrive pas aux habitants de cette Bretagne rurale. Joseph a juste entendu parler par François Berthrand de Cœuvres, secrétaire du roi au Parlement de Bretagne, propriétaire du château voisin de la Berrière et des terrains qu’il cultive en métayage à la Sangle, que Necker a été nommé directeur général des Finances et va lancer une série d’emprunts pour financer l’effort de guerre.
La Chapelle Basse-Mer de l’époque qui englobe Barbechat dépend de la seigneurie de l’Epine Gaudin qui s’étend bien delà du canton actuel du Loroux-Bottereau. C’est également en 1777 que les Barbechatains demandèrent leur séparation d’avec les Chapelains ; ils étaient mécontents de constater que les recettes des impôts qui leur étaient prélevés profitaient principalement au développement de La Chapelle-Basse-Mer !

Il apprendra plus tard que Berthrand de Cœuvres est également un riche armateur nantais qui convoie un grand nombre de bateaux vers l’Amérique en passant par l’Afrique de l’ouest…
Contrairement à la tradition que l’ainé prenne le prénom du père, René l’ainé de la famille prendra le prénom de son grand père maternel, domicilié à la Charaudière, paroisse de Saint-Julien-de-Concelles. Après Noël, suivrons cinq enfants…
Les enfants de Joseph HIVERT et Marie BAGRAIN René HYVERT 1769-1831 marié avec Marie PETARD |
1785. Joseph HYVERT, métayer à la Sangle
Le père de Noël, Joseph, est laboureur et métayer, tout comme la plupart des membres de sa famille. Il n’est donc pas propriétaire des terres qu’il cultive, ni de son logement. Cela appartient au propriétaire du domaine la famille Huteau-Rochet descendant de Laurent HUSTEAU, le Sieur de la Monderie dont il laboure les terres et avec lequel il partage pour moitié l’ensemble des récoltes, surtout des céréales.
Cependant il possède son propre matériel et des animaux. Mais Joseph avec l’aide de ses aînés développe la passion de l’élevage et la famille peut jouir d’un patrimoine animal impressionnant pour l’époque, huit bœufs, quatre vaches, sept taureaux et taures, quinze moutons en 1800.
Noël comme les autres enfants des métayers n’avaient pas l’occasion d’aller à l’école. Dès l’âge de six ou sept ans, il a commencé à garder les troupeaux et à participer aux travaux de la ferme.

1789. L’année de l’effondrement de l’ancien régime
Noël a à peine 12 ans quand éclate la révolution mais pour son père c’est d’abord une histoire lointaine, celle de la capitale.
En 1789 à la Chapelle trois climats se distinguent. « Le premier, Barbechat, exige son indépendance. Cette population, pratiquante, est anticléricale, antiseigneuriale, partisane de l’ordre nouveau dont elle espère son érection en paroisse. Le bourg de La Chapelle-Basse-Mer est manifestement plus anticlérical et favorable à la Révolution, alors que les champs sont cléricaux, pratiquants; ils fournissent l’ensemble des prêtres chapelains, et vont être mitigés face à l’évolution des événements. Cette partie de la communauté est franchement hostile à l’administration, mais favorable à la structure seigneuriale dans la mesure où celle-ci est très souple et la laisse relativement indépendante tout en garantissant ses droits contre le pouvoir central. La vallée, où la population a été abandonnée à elle-même, sans aucun encadrement ecclésiastique. Elle se définit par rapport à la Loire qui la fait vivre, et où circulent les idées révolutionnaires exprimées par Nantes et Ancenis. Cette population est anticléricale, antireligieuse, antiseigneuriale[1] ».
Habitant la Sangle, Joseph, le père de Noël, est un représentant des champs, un « champeau » habitant le plateau. A contrario ceux qui résident dans la vallée alluviale s’appellent les « valliats ».
Ces dernières années les récoltes sont mauvaises et le moral est au plus bas à la Sangle comme dans toute la paroisse. Quand on lui a parlé de cahier de doléances[2] Joseph a tenu être présent ce 2 avril 1789 dans la sacristie de l’église comme 190 hommes de la paroisse.

Ce 2 avril 1789, l’ensemble de l’assistance[3] se retrouve autour d’Antoine-Marie TIGER, sénéchal, notaire au Loroux-Bottereau et juge civil et criminel du marquisat de Goulaine et de l’Epine-Gaudin qui préside les débats. Il est bourgeois et royaliste, très proche des aristocrates.
Une très forte assistance soit environ 27% des « feux » (foyers) de la commune, entraîne un maniement difficile de l’assemblée. Les incidents menacent : Thomas Garsion, député élu en dernier Lieu, et le sénéchal Tiger, s’affrontent…[4]

Joseph, comme l’assemblée présente ce jour là, est satisfait des échanges car on parle de tout à cœur ouvert et sans tabou. On dénonce la corvée royale source de gaspillage de temps et d’énergie pour entretenir routes et digues. On souhaite que le poids fiscal, et ses multiples déclinaisons (droit de franc fief, 100ème denier, fouages, dîmes) pour la province, l’État, les ecclésiastiques et les nobles, soit allégé…
Plus particulièrement les « valliats »[5] veulent que la paroisse, soit moins sollicitée pour abonder la milice (l’armée/ jusqu’à douze hommes certaines années) qu’elle recrute parmi les pauvres travailleurs journaliers et laboureurs à bras des vignes, lin et légumes pour la plupart dans la vallée.

Dans ce cahier de doléances les vœux en faveur du roi et de sa famille ne sont pas oubliés mais ils sont rejetés dans le dernier article.
Barbechat, qui dépend de la même paroisse que la Chapelle-Basse-Mer, se réunit au même moment en leur église de la Madeleine. La Chapelle est détestée par sa « fillette », ou succursale, en raison du refus qu’elle oppose aux Barbechatains de leur accorder une véritable autonomie administrative et l’égalité entre elles[6].
Jean Hivert, un cousin de Joseph, habitant le village de la Graholière à Barbechat, lui a raconté que ce même jeudi d’avril les hommes de Barbechat ont choisi de ne pas faire appel, pour animer leurs débats comme à la Chapelle ou St Julien, au sénéchal de l’Epine Gaudin mais au notaire royal de Landemont, paroisse angevine limitrophe, Pierre Henri PAPIN…
Cependant il n’y a pas de débats. Jean, comme presque l’ensemble des participants est illettré et l’assemblée est médusée et comme interdite par tant d’éloquence de ce PAPIN.
Elle adopte le texte proposé, sans doute, parce que le ton convient à cette « commune » plutôt d’obédience républicaine, affrontée aux bourgadins de la Chapelle-Basse-Mer[7].
Il est vrai que le texte est une fort belle construction juridique, ambitieuse, mais concrète dans sa précision réformatrice. Il demande ni plus ni moins, la refonte du régime, ce que réalisera l’Assemblée Constituante dont la législation est annoncée ici parfois même dans le détail (vente de biens nationaux, constitution civile du Clergé …)[8].
[1] La Chapelle Basse-Mer village vendéen, Reynald Sécher
[2] Sous l’Ancien Régime, les cahiers de doléances sont des écrits que les Français remettent à leurs représentants élus aux États généraux convoqués par le roi pendant l’année 1789. Les cahiers sont rédigés séparément et avec des conditions différentes selon les trois ordres (clergé catholique, noblesse et tiers état) composant alors la société française. Ils contiennent les plaintes (doléances) et les vœux que chaque ordre exprime pour améliorer la situation du royaume. En 1789, tous les cahiers accordent leur confiance au roi Louis XVI pour réformer le royaume. Quasiment tous condamnent la monarchie absolue. Mais les cahiers du tiers-état revendiquent l’égalité d’accès aux fonctions publiques, l’égalité fiscale, le vote de l’impôt par les représentants élus de la population. S’y ajoutent la suppression des impôts et privilèges de la noblesse et du clergé catholique et beaucoup demandent la liberté d’opinion et d’expression des idées. Vikidia.org
[3] L’assistance est composée d’un échantillon type de gros bourg rural: dix notables « bourgeois de campagne» ou plutôt « bourgadins » que dominent les propriétaires fonciers et les gens de justice. Les registres paroissiaux donnent 6 % pour cette catégorie qui, avec les marchands et fermiers non exploitants, atteint près de 10 %. Le gros de la troupe est composé de 57 % de laboureurs et de métayers
et d’un très fort artisanat, dont 5,3 % de meuniers-fariniers et 28.5 % de métiers divers ; parmi eux les tonneliers et marchands-tonneliers se distinguent… Archives départementales 44 / Ph. Bossis
[4] Archives départementales 44 / Ph. Bossis
[5] Habitants de la vallée
[6] Archives départementales 44 / Ph. Bossis
[7] Archives départementales 44 / Ph. Bossis
[8] Archives départementales 44 / Ph. Bossis